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Collectif des riverains de la gare de triage de Drancy, du Bourget et du Blanc Mesnil
21 janvier 2014

Plainte pénale pour mise en danger de la vie d'autrui déposée par la mairie de Drancy

Un document tout aussi éclairant que le précédent qui témoigne d'une stratégie juridique différente, statégies qui semblent être, au dire des intéressés, largement complémentaires.

Spécialistes des questions juridiques, au travail....!

 

Madame le Procureur de la République près le TGI de BOBIGNY

173 Avenue Paul Vaillant Couturier

93 008 BOBIGNY Cedex

 

Drancy, le 13 janvier 2014

 

Objet : Plainte relative à l’exploitation d’une gare de triage de matières dangereuses dite « DRANCY-LE BOURGET », dans des conditions exposant au danger plusieurs milliers de vies humaines.

 

Madame le Procureur de la République,

J’ai l’honneur de porter à votre connaissance les faits suivants, qui me semblent pouvoir relever de la qualification pénale de mise en danger délibéré d’autrui, délit prévu et réprimé par l’article 223-1 du Code pénal.

La gare de triage de DRANCY-LE BOURGET, propriété de Réseau Ferré de France (RFF) exploitée par la SNCF FRET, est l’une des trois plus importantes infrastructures ferroviaires de transport de matières dangereuses de France.

Sur un site de 70 hectares, elle compte en effet 48 voies dédiées aux opérations de tri et accueille  près  de  20 700  wagons  de  matières  dangereuses  par  an,  parmi  lesquelles  sont principalement recensés 42 % de liquides inflammables ou très inflammable (styrène, éthanol, diesel, etc.), 25 % de gaz inflammable (GPL, etc.), 15% de gaz toxiques (chlore gazeux, ammoniaque anhydré, acrylonitrile, oxyde d’éthylène, etc.).

Ces matières coexistent au sein de la gare de triage à défaut d’interdiction ou restriction particulière.

Si bien qu’en cas de perte de confinement ou de déversement accidentel, outre les risques inhérents  à  chacune  de  ces  matières  toxiques  –  dont  certaines,  telles  le  chlore  et l’ammoniaque, sont susceptibles de produire des effets létaux dans un rayon de 2,6 km autour de la gare –, des mélanges incompatibles peuvent s’opérer, qui sont susceptibles d’entraîner des réactions en chaîne. Cet effet domino, essentiel, doit être conservé à l’esprit.

Cette infrastructure ferroviaire majeure de transport de matières dangereuses est pourtant implantée au cœur d’une zone urbaine dense, sur le territoire des communes de DRANCY, du BLANC MESNIL, et limitrophe de la commune du BOURGET.

Ce secteur se caractérise depuis des décennies par une très forte densité urbaine (zone à dominante d’habitat pavillonnaire continu) et la présence d’un grand nombre d’établissements recevant du public : plusieurs groupes scolaires, crèches, une clinique, une maison de retraite, de nombreuses entreprises et commerces ainsi que les gares RER de DRANCY – limitrophe du site de la gare de triage – et du BLANC-MESNIL se situent en effet dans un rayon de 500 mètres autour de la gare de triage.

Au total, ce ne sont pas moins de 31 établissements difficilement évacuables – essentiellement des écoles, crèches, maisons de retraites, et établissements médicaux – qui ont été recensés dans un rayon de 2 km autour de la gare (Etude de danger, p. 49 –  Pièce jointe n° 1 ; Etude de danger, Annexe 6 carte).

Le parc des expositions de Paris-Le Bourget, quant à lui, se situe à seulement 1 600 mètres au nord ouest de la gare de triage.

Plusieurs axes routiers sont également situés dans le rayon de 500 mètres autour de celle-ci, dont une portion des autoroutes A3 et A 86.

Ce secteur est en outre appelé à se développer.

Au mois de décembre 2011, en effet, le Préfet de SEINE SAINT-DENIS a approuvé la modification   du   Plan   Local   d'Urbanisme   de   DRANCY   prévoyant   notamment   la requalification du  quartier  du Baillet – situé le long  des  voies ferrées –  et  celui  dit de

« l’ancienne casse Beck », tous deux voués à la densification urbaine.

Plus encore, la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris assigne aux communes d’Ile-de- France un objectif d’intensification urbaine, qui a été traduit dans le projet de contrat de développement territorial (CDT) pour le pôle métropolitain du Bourget, signé, derechef, par le représentant de l’Etat.

Il est pourtant constant que Réseau Ferré de France, propriétaire de cette infrastructure ferroviaire, comme la SNCF, qui l’exploite, mais encore l’Etat, chargé par la loi d’assurer le contrôle de ce type d’activité et qui n’a adopté que des semblants de prescription, n’ont pas pris les mesures propres à assurer la sécurité de la population contre le danger que représente l’activité de triage de matières dangereuses au cœur de cette zone urbaine.

Plus encore, il apparaît que les enjeux humains, comme les risques encourus ont été sous- évalués à dessein.

Ces conclusions s’imposent au vu de l’étude de dangers de la gare de triage de DRANCY-LE BOURGET tardivement remise par RFF et des mesures prescrites par la préfecture de SEINE SAINT DENIS, qui n’ont d’autre objet que de conforter l’activité de la gare de triage et de transférer la responsabilité d’éventuels accidents sur les maires des communes sur le territoire desquelles elle est implantée.

En effet, le 6 mars 2013, la préfecture de SEINE SAINT DENIS a d’abord adopté un arrêté n° 2013-0640 donnant acte à RFF de la remise de l’étude de danger pour la gare de triage de DRANCY-LE BOURGET et édictant à son encontre des prescriptions d’exploitation si minimes  qu’elles  sont  totalement  impropres  à  assurer  la  sécurité  des  populations  (Pièce jointe n° 2).

Il suffit d’examiner cet arrêté pour constater qu’il se borne à entériner l’existant en confortant la SNCF et RFF dans des processus dignes du 19ème siècle, en rase campagne…

Dans un deuxième temps, par un courrier du 22 avril 2013 adressé aux maires des communes concernées,   valant   « porter   à   connaissance »,   le   Préfet   a   institué   une   servitude d’inconstructibilité dans la zone de 620 mètres entourant la gare de triage ( Pièce jointe n° 3).

Cette mesure totalement incohérente au vu des données techniques disponibles n’assure aucunement la sécurité des populations actuellement situées à proximité de la gare de triage, qui compte notamment un grand nombre d’enfants, de personnes âgées et de malades.

Il suffit pour s’en convaincre de rapprocher cette mesure de la décision du Préfet de la Moselle, qui a posé au mois de novembre 2012 un périmètre d’incontructibilité de 2,6 km autour de la gare de triage de Woippy, qui présente les mêmes caractéristiques en termes de trafic que la gare de DRANCY LE BOURGET.

L’exemple de la gare de triage de matières dangereuses WOIPPY illustre plus largement la désinvolture dont l’Etat fait preuve dans la prise en compte des dangers représentés par l’activité des gares de triage de matières dangereuses situées en zone urbaine et des approximations des services concernés en la matière.

En effet, alors que le Préfet de Moselle avait préconisé le gel des autorisations d’urbanisme dans un rayon de 2 600 mètres autour de la gare sur la base de l’étude de dangers remise par RFF, le Ministre des transports, Monsieur Frédéric CUVILLIER, saisi d’une question parlementaire sur ce point préconisait en mars 2013 la réduction de ce périmètre à 700 mètres, sans justification, après avoir exposé contre toute évidence que « le ferroviaire est, de loin, le meilleur choix pour le transport des matières dangereuses. En effet, il permet de contourner les zones urbaines denses, ce qui évite d'exposer les populations »…. (voir Rep min n° 196, JOAN 20 mars 2013, p. 3000).

Il apparaît donc que l’étendue des périmètres de risque autour des gares de triage de matières dangereuses est somme toute fixée par l’Etat au jugé, sans tenir compte des risques réellement encourus par les populations recensées autour de ces infrastructures.

S’agissant de la gare de triage de DRANCY-LE BOURGET, le « porter à connaissance » du Préfet de Seine Saint Denis ne poursuit en réalité qu’un seul objectif : opérer un transfert de responsabilité vers les élus locaux.

De fait, alors que la situation appelle l’édiction de mesures de police fermes à l’encontre de RFF et la SNCF, seules susceptibles de réduire les risques inhérents à l’activité de triage de matières dangereuses faute de pouvoir envisager une évacuation de ce secteur, qui se situe au cœur du territoire du pôle métropolitain du BOURGET, la préfecture de SEINE SAINT DENIS a visiblement renoncé à agir sur la source du danger.

Or, en droit, il résulte de l’article 223-1 du Code pénal que :

« Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».

Ce délit est constitué en l’absence de tout résultat dommageable : il est précisément conçu pour que l’on cesse d’attendre le drame, et que l’on agisse tant qu’il en est encore temps.

Il suffit en effet qu’ait été intentionnellement méconnue une obligation précise prévue par la loi ou le règlement, même non pénalement sanctionnée, et que ce comportement ait directement exposé autrui à un grave danger.

Ces éléments sont, à l’évidence, réunis en l’espèce.

 

I-  Sur le risque immédiat de mort ou de blessures

Au cas d’espèce, il est incontestable que l’activité de triage de matières dangereuses en gare de DRANCY-LE BOURGET expose directement les populations alentours à un risque de mort ou de blessures à raison de la nature même des produits y transitant.

Ces derniers relèvent de plusieurs familles de produits dangereux :

-        produits inflammables (liquides, gaz, gaz liquéfiés ou réfrigérés, solides) ;

-        produits  toxiques  pour  l’homme  et/ou  l’environnement  (liquides,  gaz,  gaz liquéfiés, solides) ;

-        produits comburants (solides, liquides ») ;

-        produits corrosifs (solides, liquides) ;

-        matières explosibles ;

-        matières radioactives (source : Etude de dangers p. 55).

Le chlore, l’ammoniac, l’acryonitrile et l’oxyde d’éthylène, en particulier, comptent parmi les produits les plus toxiques quotidiennement présents sur le site de la gare de triage.

Or ils sont susceptibles de produire des effets létaux dans un rayon de 2 kilomètres autour de la gare, la zone des effets irréversibles d’étendant quant à elle jusqu’à 16 kilomètres.

A elle seule, une brèche de 5 millimètres dans un wagon de chlore exposerait ainsi près de 200 000 personnes à un risque de mort ou de blessures graves, dans un périmètre de 2 kilomètres autour de la gare (selon étude INERIS p. 33).

 

La DRIEE 93, pour sa part, affirmait dans un document interne remis au Préfet de Seine- Saint-Denis le 4  mai 2011, après  avoir évoqué une distance  théorique d’une dizaine de kilomètres, que les effets létaux majorants devaient être retenus dans un périmètre de 2,6 kilomètres s’agissant du risque lié au chlore (Pièce jointe n° 4 : Document DRIEE 4 mai 2011).

Ce document ajoutait même qu’il fallait retenir « une bande d’un rayon de 250 mètres liée aux   effets   de   l’ensemble   des   produits   inflammables,   toxiques   et   vraisemblablement radioactifs, dans laquelle les probabilités sont très élevées que se produisent des phénomènes douteux comme des incendies, explosions, etc.. ».

Par ailleurs, selon ce document devait être aussi retenue « une bande comprise entre 250 et 600 mètres dans laquelle les probabilités sont très élevées que se produisent des effets létaux liés à des produits toxiques dont certains transitant en grands volumes sur les aires de triage » et « une bande comprise entre 600 et 2 600 mètres correspondant aux effets létaux en cas d’une brèche de 2 cm dans un wagon de chlore ou de rupture totale du wagon de chlore ( en pratique, les effets sont les mêmes) »

Et la cohabitation des matières dangereuses au sein de la gare de triage augmente encore les risques d’accident, tant pour les personnes travaillant sur le site que pour les populations alentours.

Sur ce point, la DRIEE relevait d’ailleurs dans son rapport sur l’étude de dangers remises par RFF que « la gestion des incompatibilités de produits (en cas de perte de confinement de 2 wagons de marchandises dangereuses), n’est pas traitée par les transporteurs lors de la composition des trains. Des mélanges incompatibles peuvent donc s’opérer en cas de déversement accidentel (…) de 2 wagons » (Rapport DRIEE, p. 15).

Ces risques ne sont aucunement théoriques.

En effet, l’activité de triage en gare de DRANCY-LE BOURGET occasionne régulièrement des  incidents  à  l’origine  de  pertes  de  confinement  (par  des  brèches  dans  les  wagons, dégazages ou des joints défectueux) (Pièce jointe n° 5 : Articles de presse).

La technique dite du « tri à la bosse », employée pour les opérations de tri des wagons, favorise leur survenue.

Celle-ci consiste à manœuvrer les wagons débranchés de leur rame d’origine jusqu’à la

« bosse » ou « butte de triage » d’où ils descendent en roulant par gravité et sont orientés vers une voie du faisceau de débranchement sur laquelle ils arrivent au contact d’autres wagons déjà présents, auxquels il sont ensuite assemblés pour constituer un nouveau train.

Les principaux risques identifiés en relation avec la technique du « tri à la bosse » sont des risques  de  chocs  entre  les  wagons  –  induits  par  le  déplacement  par  gravité  –  et  de déraillement.

Ils sont multipliés par le vieillissement des installations ferroviaires et, en particulier, du système de freinage – dit « système du tir au but » – destiné à contrôler la vitesse des wagons durant les opérations de débranchement.

Ainsi des incidents occasionnant des pertes de confinement se sont-ils déjà produits sur le site, heureusement sans conséquence grave jusqu’à ce jour.

Durant le seul mois de décembre 2013 ont en particulier été recensés :

-     Le déraillement d’un wagon d’acide chlorhydrique vide le 11 décembre 2013 (étant précisé que les incidents sur un wagon vide doivent obligatoirement être pris  en compte dans les études de dangers car un wagon vide contient toujours 4 à 5 % de produit et le reste est chargé en gaz).

Ce déraillement était consécutif à un choc avec un wagon de nitrate d’ammonium. Or l’on rappellera, pour mémoire, que le mélange ammonium / chlore est précisément celui qui a conduit à l’explosion de l’usine AZF à Toulouse.

-     Le déraillement d’un wagon de transport de déchets nucléaires consécutifs à la rupture d’un boogie le 23 décembre 2013. Le wagon est resté sur site du lundi 23 au vendredi 27 avec son chargement. Incidemment.

Si  ce  dernier  incident  n’a  pas  engendré  de  fuite  susceptible  de  mettre  en  danger  les populations proches de la gare, il reste qu’en dehors de tout incident, la CRIIRAD indique que des doses de radioactivité significatives sont émises par les wagons de transport de matières radioactive (dits « castors » pour Cask for Storage and Transport of Radioactive Material), exposant en particulier les cheminots qui évoluent à proximité de ces wagons sans protection.

A ce stade l’on précisera que les élus locaux des communes dont la population est susceptible d’être affectée sont rarement informés de ces incidents, et encore, tardivement, et jamais associés aux opérations de sécurisation.

Et à ce jour, en dépit de l’obligation prescrite par le décret n° 2005-1158 du 13 septembre

2005   relatif   aux   plans   particuliers   d'intervention   concernant   certains   ouvrages   ou installations fixes et pris en application de l'article 15 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile, le secteur de la gare de triage n’est toujours pas doté d’un plan particulier d’intervention (PPI).

Pourtant, à elle seule ou par effet domino, la perte de confinement d’un wagon de matière dangereuse transitant en gare de DRANCY-LE BOURGET est de nature à exposer à un risque direct de mort ou de blessures graves des milliers de personnes, en raison de la forte urbanisation du secteur.

Les prescriptions applicables aux infrastructures de transport de matières dangereuses, ont précisément vocation à limiter, sinon exclure totalement ce risque.

En méconnaissant celles-ci RFF, SNCF FRET ainsi que la préfecture de SEINE SAINT DENIS et les Ministères des transports et de l’environnement exposent donc les populations présentes autour de la gare de triage de DRANCY-LE BOURGET à un risque immédiat de mort ou de blessure.

En cet état, le premier élément constitutif de l’infraction prévue et réprimée par l’article 223-1 du Code pénal, est donc caractérisé.

La violation délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est tout aussi claire.

 

II- Sur la violation délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité

La gare de triage de DRANCY-LE BOURGET est répertoriée par l’arrêté du 9 mai 2008 fixant la liste des aires de stationnement ouvertes à la circulation publique et les gares de triage ou faisceaux de relais soumis aux dispositions du décret n° 2007-700 du 3 mai 2007 relatif aux études de dangers des ouvrages d'infrastructures de stationnement, chargement ou déchargement de matières dangereuses portant application de l'article L. 551-2 du code de l'environnement.

A ce titre, elle est donc soumise à « étude de dangers », conformément à l’article L. 551-2 du

Code de l’environnement, qui dispose :

« Lorsque  du  fait  du  stationnement,  chargement  ou  déchargement  de  véhicules  ou d'engins de transport contenant des matières dangereuses, l'exploitation d'un ouvrage d'infrastructure routière, ferroviaire, portuaire ou de navigation intérieure ou d'une installation multimodale peut présenter de graves dangers pour la sécurité des populations, la salubrité et la santé publiques, directement ou par pollution du milieu, une étude de dangers est réalisée et fournie à l'autorité administrative compétente ».

Le contenu de l’étude de dangers est fixé par l’arrêté du 18 décembre 2009 relatif aux critères techniques et méthodologiques à prendre en compte pour les études de dangers des ouvrages d'infrastructures de transport où stationnent, sont chargés ou déchargés des véhicules ou des engins de transport contenant des matières dangereuses.

Aux termes de l’article 3 de ce texte :

« L'étude de dangers contient les éléments suivants :

1. Une description de l'environnement.

L'environnement  de l'ouvrage d'infrastructure de transport est décrit de manière à identifier :

- d'une part, la présence d'une source potentielle d'agression au voisinage de l'ouvrage d'infrastructure, (…) ;

- d'autre part, les enjeux au voisinage de l'ouvrage d'infrastructure, c'est-à-dire les cibles éventuelles en cas d'accident sur les ouvrages d'infrastructures étudiés : par exemple  le  milieu  naturel,   l'environnement  urbain  (population  potentiellement exposée dont les établissements recevant du public, les usagers des infrastructures à proximité), les cibles industrielles. (…)

2. Une description des ouvrages d'infrastructures de transport, leur activité, leur fonctionnement et leur organisation comprenant :

- la description de l'ensemble des ouvrages d'infrastructures étudiés (…) ;

- la description de leur connexion avec les autres ouvrages d'infrastructures de la chaîne logistique ;

- la description des conditions d'exploitation ainsi que les moyens matériels, techniques et humains mis en œuvre pour la réalisation des opérations (activités et opérations réalisées sur l'ouvrage d'infrastructure étudié), les interventions des différentes entreprises sur les installations de l'ouvrage d'infrastructure, l'organisation liée à l'exploitation et à la sécurité de l'ouvrage d'infrastructure ;

- la description des principes de sécurité et les équipements y afférents, les moyens d'intervention propres et l'organisation correspondante aux ouvrages d'infrastructures étudiés.

Cette description est accompagnée de tous documents cartographiques utiles à une échelle adaptée.

Cette partie comprend notamment le recensement des marchandises dangereuses mentionnées aux articles R. 551-1et 6 à 11 du Code de l'environnement.

3. Une identification du retour d'expérience sur le site et dans les ouvrages d'infrastructures similaires. (…)

4. Une évaluation des risques comprenant :

- la caractérisation des phénomènes dangereux en termes d'intensité et de cinétique ;

- la caractérisation des accidents en termes de gravité en fonction des enjeux ;

-  une  estimation  de  la  probabilité d'occurrence  des  phénomènes  dangereux  et  des accidents ;

-   une   étude   des   effets   dominos   (en   s'inspirant   des   règles   méthodologiques mentionnées en annexe 3 du présent arrêté).

Cette évaluation s'appuie sur une analyse des mesures de maîtrise des risques et des actions qui peuvent être mises en place afin de réduire la probabilité et la gravité des accidents à un coût économique acceptable, ainsi que des mesures pertinentes de la réglementation du transport des marchandises dangereuses.

5. Une représentation cartographique des zones d'effets.

Une représentation cartographiée de chaque famille de phénomènes dont les effets sortent   de   l'ouvrage   d'infrastructure   de   transport   est   fournie,   ainsi   qu'une représentation de la zone enveloppe pour chaque catégorie d'effets (thermique, surpression, toxique et d'irradiation).

6. Un résumé non technique de l'étude de dangers. (…) ».

En outre, au nombre des phénomènes dangereux « à quantifier a minima » figure notamment le « feu de nappe (liquides et solides) : effets thermiques » en vertu de l’article 4 de l’arrêté du 18 décembre 2009 précité.

Ces textes édictent donc des prescriptions précises et non équivoques.

L’étude de dangers est destinée à fournir des éléments d’estimation de la gravité des conséquences potentielles prévisibles d’un accident dans l’infrastructure de transport qui en fait l’objet.

Elle a ainsi vocation à éclairer le Préfet sur les mesures de maîtrise des risques qu’il lui incombe de prescrire en vertu des pouvoir de police qui lui sont dévolus.

Des pouvoirs de police spéciale sont en effet conférés au Préfet par l’article L. 552-3 du Code de l’environnement pour règlementer l’activité des infrastructures de transport de matières dangereuses dans les termes suivants :

« Le représentant de l'Etat dans le département peut, par arrêté, fixer les prescriptions d'aménagement et d'exploitation des ouvrages d'infrastructure jugées indispensables pour  préserver  la  sécurité  des  populations,  la  salubrité  et  la  santé  publiques directement ou indirectement par pollution du milieu. Ces prescriptions peuvent respectivement s'appliquer, selon leur nature, au maître d'ouvrage, au gestionnaire de l'infrastructure, au propriétaire, à l'exploitant ou à l'opérateur ».

Le contenu  minimal de l’arrêté préfectoral est fixé par  l’article R. 551-6-1 du Code de l’environnement qui prévoit que :

« Les arrêtés fixant les prescriptions d'aménagement et d'exploitation des ouvrages d'infrastructure prévues à l'article L. 551-3 sont pris par le représentant de l'Etat dans le département selon les modalités définies aux articles R. 551-6-2 et R. 551-6-3.

Ces arrêtés précisent notamment :

1°  Les  prescriptions  d'exploitation  relatives  aux  mesures  d'urgence  incombant, suivant le cas, au maître d'ouvrage, au gestionnaire de l'infrastructure, au propriétaire, à l'exploitant ou à l'opérateur, ainsi que leurs obligations en matière d'information et d'alerte des personnes susceptibles d'être affectées par un accident, quant aux dangers encourus, aux mesures de sécurité et au comportement à adopter ;

2° L'obligation pour le maître d'ouvrage de l'infrastructure, son gestionnaire, son propriétaire, son exploitant ou l'opérateur en faisant usage de déclarer, dans les meilleurs délais et au plus tard sous un mois au représentant de l'Etat dans le département, les accidents ou incidents survenus  du fait du fonctionnement de cet ouvrage qui sont de nature à porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 551-3 ;

3° Le cas échéant, les obligations d'affichage destinées à informer certains utilisateurs de règles d'utilisation de l'ouvrage d'infrastructure ».

Dans ce cadre, il incombe donc au Préfet d’édicter des mesures proportionnées aux risques identifiés et propres à assurer la sécurité des populations exposées. A cette fin doivent être prescrites :

« - des mesures relatives à l’organisation, aux aménagements sur site, aux équipements à mettre en place et aux investissements de sécurité ;

- le cas échéant des mesures relatives au trafic transitant par l’ouvrage (interdiction ou limitation dans le temps ou en nombre » (circulaire du 19 novembre 2012 relative aux mesures de maîtrise des risques et au porter à connaissance à mettre en œuvre dans le cadre des études de dangers remises en application de l’article L. 551-2 du Code de l’environnement » (NOR DEVP1237179C).

Au-delà, l’étude de dangers constitue le support sur la base duquel doit être établi le plan de prévention des risques, destiné à assurer la protection des populations, des biens et de l'environnement, pour faire face aux risques particuliers liés à l'existence des infrastructures de transport de matière dangereuses.

L’établissement de ce plan est imposé aux infrastructures de transport de matières dangereuses par l’article 1er  du décret n° 2005-1158 du 13 septembre 2005 relatif aux plans particuliers d'intervention concernant certains ouvrages ou installations fixes et pris en application de l'article 15 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile

Alors même que pour les ouvrages existants, la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la  prévention  des  risques  technologiques  et  naturels  et  à  la  réparation  des  dommages imposait un dépôt de l’étude de dangers avant le 4 mai 2010, au cas particulier, ce n’est que le 2 septembre 2011 que la version définitive de l’étude de dangers de la gare de triage de DRANCY-LE BOURGET a été remise au Préfet par RFF.

Or celle-ci n’est pas conforme aux prescriptions des textes en vigueur, RFF ayant minimisé à dessein, tant les risques d’accident induits par cette infrastructure, que les enjeux humains pour permettre à SNCF Fret de poursuivre l’activité de triage de matières dangereuses au cœur de l’agglomération de DRANCY.

Et bien que ces insuffisances aient été portées à la connaissance du Préfet de la SEINE SAINT DENIS, celui-ci n’a pas contraint RFF au respect de ses obligations règlementaires.

Plus  encore,  sur  le  fondement  d’une  étude  de  danger  qu’il  savait  être  insuffisante,  la préfecture de SEINE SAINT DENIS a prescrit des mesures radicalement impropres à assurer la sécurité des populations pourtant exposées à un risque immédiat de mort ou de blessures.

Et il n’a pas été remédié à cette carence au plus niveau de l’Etat, dès lors que ni le Ministre des transports que ni celui de l’Environnement, pourtant régulièrement interpellés sur le sujet n’ont jugé bon d’intervenir pour prendre les mesures exigées par la situation.

Concernant RFF et SNCF Fret

C’est en premier lieu RFF qui a méconnu les obligations qui lui incombent en vertu de l’article L. 551-2 du Code de l’environnement et de l’arrêté du 18 décembre 2009 en établissant une étude de dangers incomplète, qui minimise tant les risques d’accidents que les enjeux humains.

Ces insuffisances ont d’ailleurs été confirmées, bien que minimisées, dans un rapport de la DRIEE ainsi que dans un  rapport  d’étude remis au  mois d’août 2012  par  INERIS  à la demande de RFF (Pièces jointes n° 6 et n° 7).

Force est d’abord de constater que l’étude de dangers ne respecte pas les prescriptions règlementaires en vigueur au jour de son dépôt.

Il en va ainsi s’agissant du périmètre de l’étude de dangers, explicité par la circulaire du 4 mars 2010 relative aux études de dangers remises en application de l’article L. 551-2 du Code de l’environnement  dans les termes suivants :

« L’étude porte sur les sites de séjour temporaire ferroviaires tels que :

- les gares de triage, définies comme l’ensemble des installations fixes du réseau ferroviaire national  (groupes  de  voies  spécialisées,  installations  de  débranchement  des  wagons, dispositifs de freinage et d’enrayage...) dédiées au tri des wagons des trains de fret dans un chantier spécialisé) ;

- les voies de relais, définies comme les voies de service affectées aux arrêts en cours de route des trains de fret pour des motifs opérationnels de courte durée changement de locomotive, relève de conducteur…) ».

Ainsi, au-delà des voies utilisées pour les opérations de tri proprement dites, doivent être intégrées dans le périmètre de l’étude de dangers les voies d’attente, sur lesquelles stationnent des wagons de matières dangereuses.

Tel n’a pas été le cas en l’espèce.

En effet, deux faisceaux relais n’ont pas été intégrés dans le périmètre de l’étude de dangers de la gare de triage de DRANCY-LE BOURGET.

INERIS relève en effet dans son rapport qu’ont été exclus du périmètre de l’étude de dangers la zone de stockage des wagons dite faisceau « d’attente Nord », utilisé « pour stationner des trains formés mais ne pouvant être expédiés à court terme (…) » et occasionnellement comme faisceau de départ de la gare de triage, ainsi que le faisceau relais de Bobigny où sont pourtant présents de nombreux wagons de matières dangereuses (Rapport d’INERIS p. 24-25).

Néanmoins aucune donnée précise – chiffrée notamment – n’est fournie par RFF pour justifier l’exclusion de ces deux faisceaux du périmètre de l’étude. Tout au plus est-il affirmé dans l’étude de dangers que le faisceau « d’attente Nord » « ne participe pas à l’activité propre de tri » (études de dangers p. 23).

Ce alors même qu’il est établi que des wagons de matières dangereuses stationnent régulièrement  sur  ces  deux  faisceaux,  utilisés  comme  zones  d’attente.  Parfois  pendant plusieurs jours…

Or cette omission n’est pas neutre. En effet, l’intégration du faisceau « d’attente Nord »et du faisceau relais de Bobigny dans le périmètre de l’étude de dangers aurait eu pour conséquence d’inclure dans le périmètre de risques l’hôpital Avicenne, un centre commercial régional, l’usine Bosh – ELM Leblanc (qui compte 700 salariés), ainsi que les locaux de l’Université Paris XIII, situés à proximité.

Ainsi l’exclusion de ces installations réduit-elle artificiellement la population – de surcroît vulnérable – exposée, et par suite la gravité des phénomènes dangereux.

Ce n’est pas tout.

RFF et SNCF Fret ont volontairement minimisé le nombre de wagons pris en compte pour l’établissement de l’étude de dangers.

De fait, seuls ont été comptabilisés les wagons de matières dangereuses affrétés par SNCF Fret.

Les wagons des opérateurs extérieurs n’ont pas été pris en compte, alors même qu’ils sont présents en nombre sur le site, à raison de la location des sillons ferroviaires par RFF (Pièce jointe n° 8 : Photographies).

En cet état, une donnée capitale fait donc défaut dans l’étude de dangers : un comptage exhaustif du nombre et du type de wagons de matières dangereuses transitant en gare de DRANCY-LE BOURGET. Bien au contraire, alors même qu’elle aurait pu au moins procéder à une estimation sincère, en évaluant le trafic transitant sur les sillons loués, SNCF Fret et RFF ont délibérément omis cet apport de matière dangereuse, qui peut être important.

Cela suffit à discréditer l’estimation des risques induits par cette infrastructure.

Les enjeux humains, également, ont été minorés.

L’étude de dangers décrit en effet l’environnement industriel et humain dans un rayon de 500 mètres seulement autour de la gare de triage, censé correspondre aux « distances d’effets maximales des phénomènes dangereux étudiés » (Etude de danger, p. 49).

Pourtant, dès le mois de mai 2011, la Direction Régionale et Interdépartementale de l’Environnement (DRIEE), dans étude intitulée « Les enjeux environnementaux du territoire du Bourget : Transport de matières dangereuses en gare de triage de Drancy » relevait « une occurrence non négligeable d’accidents graves de perforation de wagons citernes sur les gares de triage » et évoquait un périmètre « d’effets létaux majorants de 2,6 km ».

Par ailleurs, l’étude de dangers ne prend pas en compte les effets dominos ainsi que le feu de nappe, alors même que la modélisation de ces deux phénomènes aux conséquences potentiellement désastreuses est expressément imposée par les articles 3 et 5 précités de l’arrêté du 18 décembre 2009.

Derechef, ces omissions – relevées par la DRIEE et INERIS – conduisent à minimiser considérablement la gravité des phénomènes dangereux recensés sur le site, dont le risque de rupture des wagons de matières dangereuses.

Pour la clarté de l’exposé, il convient d’indiquer à ce stade que la circulaire du 4 mars 2010 comporte une échelle de probabilité des phénomènes dangereux, classant ceux-ci en sens croissant de E à A (circulaire du 4 mars 2012 annexe A 1 in fine).

A ces probabilités, combinées au nombre de personnes exposées, la circulaire du 19 novembre

2012 relative aux mesures de maîtrise des risques et au porter à connaissance à mettre en œuvre dans le cadre des études de dangers remises en application de l’article L. 551-2 du Code de l’environnement associe trois zones respectivement de couleur rouge (devant « faire l’objet le plus prioritairement d’efforts de réduction du risque »), orange (devant faire l’objet

« d’une  priorité  intermédiaire »)  et  verte  (correspondant  « aux  accidents  présentant  des caractéristiques de risque moins prioritaires »).

Au cas particulier, en ne prenant pas en compte l’effet domino et le feu de nappe, le risque de rupture totale d’un wagon de chlore est évalué comme relevant seulement de la classe D sur l’échelle de probabilité des phénomènes dangereux et le risque de rupture totale d’un wagon d’ammoniac comme relevant de la classe C (voir rapport de la DRIEE, p. 24).

Cependant, en l’absence toute mesure de séparation des différents produits simultanément présents dans l’infrastructure de triage – notamment des hydrocarbures – le risque de rupture d’un wagon de matières dangereuses par effet domino ou feu de nappe est multiplié.

Dès lors, la prise en compte de ces deux phénomènes est de nature à augmenter considérablement la probabilité des risques de perte de confinement et rupture totale des wagons de matières dangereuses.

Par conséquent, elle aggraverait considérablement le classement de la gare de triage en termes d’accidentologie.

Les lacunes de l’étude de dangers ont été relevées par la DRIEE et INERIS dans leurs rapports respectifs.

Ainsi la DRIEE a-t-elle préconisé la réévaluation des probabilités d’occurrence des phénomènes dangereux du fait des éventuels effets dominos (Rapport DRIEE p. 25).

Par ailleurs, au-delà de la critique de la méthode d’évaluation de la gravité des conséquences d’un accident et de leur probabilité, la DRIEE relève également l’insuffisance des données de retour  d’expérience,  des  incidents  n’étant  pas  pris  en  compte  tout  comme  certains

« évènements ayant entraîné l’intervention directe des pompiers dans la période de référence de l’étude de dangers » (rapport DRIEE p. 16).

C’est  bien  pour  autant qu’elle  préconise,  à  l’occasion  d’une  inspection,  d’examiner  « le processus de traitement du retour d’expérience sur le site notamment les critères de déclaration et de traitement des événements recensés », au vu du manque de rigueur constaté de RFF sur ce point (rapport de la DRIEE p. 16).

Concernant le calcul de probabilité des différents phénomènes dangereux, INERIS relève de son côté que « les résultats obtenus du calcul des probabilités pour les différents phénomènes dangereux conduisent à une minoration de probabilité par RFF pour la plupart des phénomènes dangereux par rapport à l’utilisation des données figurant dans la circulaire du 4 mars 2010 » (Rapport d’étude INERIS p. 60 voir encore p. 71)

Et ces insuffisances ont été confirmées par une tiercé étude, qui relève notamment que « les probabilités d’occurrence des phénomènes dangereux par RFF sont très minorées par rapport à celles calculées par la DRIEE, à l’exception des scénarios BLEVE et explosions de matière condensée ou de solides (nitrate d’ammonium) » tandis que « l’analyse des effets dominos dans l’étude de dangers RFF est jugée trop superficielle » (Analyse de l’étude de dangers de la gare de triage de Drancy-Le Bourget par Technisim, p. 7 et 9 –  Pièce n° 9).

Pour se convaincre des insuffisances du dossier, on se reportera encore à la longue liste des compléments devant être fournis par le gestionnaire de l’infrastructure, qui figure dans l’arrêté préfectoral du 6 mars 2013.

En cet état, il est établi que RFF a délibérément violé les prescriptions de l’article L. 551-2 du Code  de  l’environnement et  de l’arrêté  du  19  décembre  2009,  pourtant  particulièrement précises et non équivoques quant au contenu minimum de l’étude de dangers.

Et cette méconnaissance produit un effet immédiat, dont on peut penser qu’il constituait l’objectif poursuivi, sauf à devoir conclure à une incroyable incurie : minimiser les risques identifiés, afin que l’activité de triage de matières dangereuses soit maintenue sans aucune restriction en gare de DRANCY LE BOURGET.

Dès lors que l’étude de dangers a vocation à éclairer les autorités compétentes sur les risques et  les  conséquences  potentielles  prévisibles  d’un  accident  sur  l’infrastructure  qui  en  fait l’objet, en minimisant ceux-ci, RFF a volontairement enfreint une règle de prudence et de sécurité.

Ces insuffisances de l’étude de dangers profitent directement à SNCF Fret, dès lors qu’elles lui permettent de poursuivre sans restriction de quelque nature que ce soit, notamment quant aux produits présents sur le site, ses activités de triage de matières dangereuses en gare de DRANCY-LE BOURGET

Par ailleurs, outre qu’elle n’a pas déclaré les opérateurs extérieurs intervenant sur le site de la gare de triage, SNCF Fret exploite des faisceaux n’ayant pas donné lieu à une étude de dangers, à savoir la voie de stockage des wagons dite faisceau « d’attente Nord » - utilisée

« pour stationner des trains formés mais ne pouvant être expédiés à court terme (…) » et occasionnellement comme faisceau de départ de la gare de triage - ainsi que le faisceau relais de Bobigny (Rapport d’INERIS p. 24-25).

 

Il  a  pourtant  pu  être  observé  que  des  wagons  de  matières  dangereuses  stationnent régulièrement sur ces deux faisceaux, utilisés comme zones d’attente. Et ce parfois pendant plusieurs jours (Pièce jointe n° 8).

 

Néanmoins la DRIEE relevait sur ce point dans son rapport que « aucune donnée n’est aujourd’hui disponible sur la durée de stationnement » (Rapport DRIEE p. 15).

 

Ainsi, bien qu’ayant parfaitement connaissance de la minoration des risques attachés à l’activité de la gare de triage de DRANCY-LE BOURGET, située au cœur d’une zone urbaine particulièrement dense, SNCF FRET persiste à exploiter cette infrastructure dans des conditions qui font peser sur les populations alentours un risque de mort et de blessures graves.

En particulier, l’exploitant continue à accueillir quotidiennement sur le site des wagons de chlore, d’acrylonitrile et d’ammoniaque, dont la dangerosité est avérée et majorée par la proximité d’autres produits, tels que les hydrocarbures.

L’exploitation de la gare de triage méconnaît donc les règles de prudence et de sécurité résultant des dispositions du Code de l’environnement régissant les infrastructures de triage de matières dangereuses.

Par suite le délit de mise en danger de la vie d’autrui est également caractérisé à l’encontre de la SNCF.

Concernant la préfecture de Seine Saint Denis

En dépit des insuffisances relevées par la DRIEE puis INERIS, la préfecture de SEINE SAINT DENIS a donné acte de l’étude de dangers remise par RFF par arrêté du 6 mars 2013.

Il faut y insister : les insuffisances de l’étude constituent une faute considérable, qui est directement source de danger pour les populations ; et le Préfet ne pouvait rien en ignorer, ses services l’ayant alerté.

La longue liste de compléments devant être apportés à l’étude de dangers atteste d’ailleurs de cette connaissance. Ceux-ci portent sur :

-   l’élargissement du périmètre d’identification des moyens humains sur le périmètre le plus étendu des effets létaux ;

-   la caractérisation de la gravité du danger sur les gares RER ;

-   la prise en compte de l’effet domino ;

-   l’analyse détaillée des risques générés par les installations annexes ;

-   le complément de l’identification du retour d’expérience ;

-   la caractérisation des phénomènes de feux de nappes d’hydrocarbure ;

-   la  caractérisation  des  phénomènes  dus  à  la  perte  de  confinement  d’un  wagon  de transports de matières radioactives ;

-   la  caractérisation  des  effets  thermiques  et  des  projectiles  pour  les  explosions  de marchandises explosives (alors que l’arrêté du 18 décembre 2009 le prévoit) ;

-   l’évaluation des probabilités d’occurrence des phénomènes dangereux sur la base d’une méthode acceptée par le Ministère en charge des transports de matières dangereuses.

Bien que ces données soient indispensables à la caractérisation des risques et des enjeux humains de l’activité de triage de matières dangereuses en gare de DRANCY-LE BOURGET, la préfecture a cependant reporté à 5 ans leur intégration dans l’étude de dangers.

Un tel délai est radicalement incompatible avec les risques encourus. L’étude réalisée par le bureau d’études Technisim expose à cet égard que :

« L’évaluation de la gravité et de la probabilité d’occurrence sont les deux critères qui permettent de définir  les scénarios accidentels  à traiter en  termes  d’amélioration  de la sécurité.

Par ailleurs, les rapports de la DRIEE et de l’INERIS ont souligné la minoration de l’évaluation en probabilité d’occurrence et de la sous-évaluation de la gravité de certains scénarios accidentels. En conséquence, la période de réévaluation de 5 années est jugée beaucoup trop importante, au regard de la sensibilité de l’environnement de la gare et des insuffisantes relevées  dans  l’étude de dangers  sur lequel se base l’arrêté  préfectoral » (Pièce n° 9, p. 12).

Plus encore, l’arrêté du 6 mars 2013 ne comporte pas le contenu minimal exigé par l’article R. 551-6-1 du Code de l’environnement précité, à défaut de mentionner les prescriptions d’exploitation relatives aux mesures d’urgence applicables à la gare de triage de DRANCY- LE BOURGET.

En la matière, l’arrêté se borne en effet à renvoyer à des consignes écrites devant être établies par le gestionnaire de l’infrastructure (article 7), au plan d’urgence interne de la gare de triage, dont la mise à jour est prescrite sous trois mois (article 8) et à l’établissement d’une liste de moyens matériels et d’intervention devant être établie en coordination avec la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) (article 9). En d’autres termes, l’arrêté repose sur la bonne volonté du gestionnaire pour déterminer ce qu’il conviendra de faire en cas d’urgence, au lieu de prescrire les mesures ad hoc, ce qui incombe à l’autorité de police.

Pas plus l’arrêté ne prévoit-il les obligations de RFF et la SNCF « en matière d'information et d'alerte des personnes susceptibles d'être affectées par un accident, quant aux dangers encourus ».

En particulier l’information des communes sur le territoire desquelles se situent les infrastructures de la gare de triage n’est pas prévue en cas d’accident, alors même que les élus concernés ont eu à déplorer à plusieurs reprises une transmission tardive des informations en cas d’incident.

A ce titre, la préfecture n’a pas respecté les obligations imposées par les textes en vigueur et qui sont destinées à assurer la sécurité des populations.

Mais il y a plus.

Les mesures prescrites par l’arrêté du 6 mars 2013 - quasiment inexistantes, et qui se bornent à adresser des injonctions totalement déplacées aux élus locaux - ne sont absolument pas à la mesure des risques induits par la gare de triage de DRANCY-LE BOURGET.

Sur ce point, on a scrupule à  rappeler que les mesures de police spéciale n’ont pas d’autre justification que d’apporter une réponse appropriée aux dangers qu’elles ont vocation à prévenir.

Et la carence de l’Etat dans l’exercice de ses pouvoirs de police constitue une faute de nature à engager la responsabilité, y compris personnelle et pénale, des agents concernés.

En l’espèce, il faut y insister la gare de triage de DRANCY-LE BOURGET se situe dans une zone urbaine particulièrement dense, à dominante pavillonnaire, et à proximité immédiate de plusieurs établissements recevant du public sensibles. Dans un rayon de 500 mètres autour de cette infrastructure,  l’étude de dangers  a recensé pas  moins de 13  écoles  maternelles  et primaires, deux crèches, une clinique et une maison de retraite, auxquelles il faut ajouter deux gares RER. Le parc des expositions de Paris-Le Bourget, quant à lui, se situe à seulement 1 600 mètres au nord ouest de la gare de triage...

En dépit de cette forte densité urbaine et du grand nombre d’établissements recevant du public implantés dans ce secteur, l’activité de triage de matières dangereuses se poursuit depuis de nombreuses années au sein de la gare de DRANCY – LE BOURGET.

Il ressort pourtant de l’étude de danger que certaines matières dangereuses présentes sur le site – le chlore, l’ammoniac et l’acrylonitrile en particulier – sont susceptibles de produire des effets létaux dans un rayon de 2 km autour de la gare et des effets irréversibles dans un rayon de plus de 10 km.

En outre, il est apparu que RFF et la SNCF ne mettent pas en œuvre de mesures de sécurité spécifiques pour le triage de ces matières, le système de tri à la bosse et du tir au but - digne du XIXème siècle, non du XXIème - étant appliqué indistinctement à tous les wagons.

Au vu de ces éléments, la présence de la gare de triage de matières dangereuses au cœur de cette zone urbaine dense – appelée, de surcroît, à s’intensifier encore conformément aux objectifs fixés par la loi sur le Grand Paris – appelait des mesures de restriction du trafic, seules propres à assurer la protection des populations.

Or celles-ci n’ont pas été adoptées par la préfecture de SEINE SAINT DENIS, l’arrêté du 6 mars 2013 ne répondant assurément pas à cet objectif.

L’activité  de  la  gare  de  triage  a  en  effet  été  regardée  comme  « acceptable »  dans  son environnement actuel par la DRIEE et maintenue en l’état.

Pourtant, en conséquence de la réévaluation des risques à leur juste dangerosité telle qu’elle résulte des rapports de la DRIEE et d’INERIS, les services de l’Etat auraient dû édicter des restrictions au trafic de certaines matières dangereuses transitant en gare de DRANCY-LE BOURGET, conformément à la circulaire du 19 novembre 2012 (NOR DEVP1237179C), et contraindre RFF et SNCF-FRET à fournir un itinéraire alternatif.

Plus encore, la circulaire du 19 novembre 2012 impose au Préfet, dans ce cadre, à « faire remonter au directeur général de la prévention des risques et au directeur général des infrastructures,  des transports et de la  mer  toute situation  particulière  qui conduirait à interdire tout transport de certaines marchandises dangereuses », étant précisé que cette obligation incombant aux Préfets l’est aux fins «  de coordination ministérielle ».

Rien n’a cependant été fait en ce sens.

A ce titre, la méconnaissance par la préfecture des prescriptions des articles L. 551-3 et R. 551-6-1 du Code de l’environnement constitue donc une violation délibérée des règles de prudence et de sécurité.

Enfin, bien que l’édiction d’un plan particulier d’intervention ait été prescrite par le décret n° 2005-1158 du 13 septembre 2005 relatif aux plans particuliers d'intervention concernant certains ouvrages ou installations fixes et pris en application de l'article 15 de la loi n° 2004- 811 du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile, la préfecture de SEINE SAINT DENIS n’a toujours pas déféré à cette obligation.

De sorte que le secteur de la gare de triage n’est pas doté, à ce jour, d’un plan particulier d’intervention (PPI).

A ce titre encore, la préfecture a délibérément violé une obligation de prudence et de sécurité

Concernant le Ministre des transports

Au plus haut niveau de l’Etat, enfin, il n’a pas été remédié aux carences du Préfet de la Seine- Saint-Denis dans l’exercice de ses pouvoirs de police.

En effet, le Ministre des transports a été régulièrement interpellé par des parlementaires sur le sujet et sensibilisés à la gravité de la situation (voir notamment Rep. min. n° 82 JOAN

25/01/2013 p. 351 ; Rep. min. n° 20555, JOAN 24/09/2013, p. 10154 ; Rep. min. n° 1135, JOAN 02/10/2013 p. 9150 ; Rep. min. n° 1148, JOAN 03/10/2013, p. 9223 ; Rep. min. n° 401, n° JOAN 19/12/2013, p. 6637).

Néanmoins, ces démarches sont demeurées infructueuses, ce Ministre n’ayant jugé bon d’intervenir pour prendre les mesures exigées par la situation et proportionnées aux dangers auxquels sont exposées les populations proches de la gare de triage de DRANCY-LE BOURGET.

Ce sujet a pourtant donné lieu à des réunions ministérielles au cours desquelles ont été évoquées les solutions possibles à mettre en œuvre, ainsi que la stricte application de la circulaire du 19 novembre 2012, notamment à la suite d’alertes liées à des incidents qui se sont produits à la gare.

Les comptes rendus de ces réunions devraient être sollicités dans le cadre d’une enquête pénale.

Il reste qu’à ce jour, le Ministre des transports n’est jamais intervenu pour prendre les mesures propres à assurer la sécurité des populations.

En cet état, les éléments constitutifs du délit de mise en danger de la vie d’autrui sont donc réunis en l’espèce.

Au vu de la gravité de ces faits, qui exposent des milliers de personnes à un risque élevé d’accident dont les conséquences seraient dramatiques, et en présence d’une volonté délibérée de RFF, SNCF FRET, du Préfet de SEINE SAINT DENIS et du Ministre des transports de minorer les risques encourus afin de poursuivre l’activité de triage de matières dangereuses en gare de DRANCY-LE BOURGET au mépris des règles de sécurité édictées par les textes en vigueur, la commune de DRANCY, représentée par son Maire en exercice, tenait à porter ces éléments à votre connaissance.

Je reste à votre disposition pour toute information complémentaire,

Et vous prie de croire, Madame le Procureur de la République, en l’assurance de mes sentiments respectueux et dévoués.

 

Jean-Christophe LAGARDE Député-Maire de DRANCY

Pièces jointes :

 

1)   Etude de dangers- cartes

2)   Arrêté préfectoral du 6 mars 2013

3)   Courrier du Préfet de Seine Saint Denis du 22 avril 2013

4)   Document DRIEE «  Les enjeux environnementaux du territoire du Bourget » 4 mai 2011

5)   Articles de presse

6)   Rapport de la DRIEE

7)   Rapport d’INERIS

8)   Photographies

9)   Analyse de l’étude de dangers de la gare de triage de Drancy-Le Bourget (parTechnisim)

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Collectif des riverains de la gare de triage de Drancy, du Bourget et du Blanc Mesnil
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