Le référé déposé par la ville du Blanc Mesnil au tribunal adminsitraif de montreuil.
Un document d'importance certaine, long et assez technique mais au combien nécessaire pour cerner les questions juridiques relatives à notre dossier.
Le document ci dessous est consultable en version PDF à l'adresse suivant : http://www.blancmesnil.fr/Refere_expertise_gare_triage.pdf
Tribunal administratif de Montreuil
Requête aux fins de référé expertise
Pour : La ville du Blanc-Mesnil, représentée par son maire en exercice, dont l’hôtel de ville est situé 1 Place Gabriel Péri, 93150 Le Blanc-Mesnil
Ayant pour Avocat: Jean-Louis Péru SELARL GAIA, 4 bis Cité Debergue, 75012 Paris
Contre : Réseau Ferré de France - RFF - dont le siège social est situé 92 avenue de France, 75648 Paris Cedex 13
SNCF Infrastructure - SNCF INFRA – dont le siège est situé 18 rue de Dunkerque, 75010 Paris
FRET SNCF, dont le siège social est situé 24 rue Villeneuve, 92583 Clichy-la-Garenne Cedex
L’Etat, représenté par le Préfet de la Seine-Saint-Denis, en la préfecture de Seine-Saint-Denis, 1 Esplanade Jean Moulin, 93007 Bobigny Cedex
FAITS
Le maire du Blanc-Mesnil saisit le tribunal car il se trouve confronté à une problématique très particulière relevant du droit de l’environnement industriel.
La gare de triage de Drancy-Le Bourget est un site industriel à hauts risques qui accueille une activité importante de triage de wagons de matières dangereuses.
L’activité de ce site a été récemment renforcée. Le développement de cette activité intervient alors même que l’encadrement juridique de ce type de site industriel s’avère insuffisant à ce jour. En attestent différentes actions récemment engagées par le Gouvernement à la suite de sollicitations de Monsieur Didier Mignot, maire du Blanc Mesnil et de Madame Marie-George Buffet, députée de la Seine-Saint-Denis.
Cette situation rappelle malheureusement les données initiales de l’affaire AZF : une activité industrielle à hauts risques exploitée dans une zone urbaine depuis de nombreuses années, dans un cadre juridique insuffisant. Dans cette affaire relevant de la législation relative aux installations classées, ce cadre a par la suite été très logiquement étoffé grâce à loi dite Bachelot du 30 juillet 2003 et à ses textes d’application.
L’activité de la gare de Drancy-Le Bourget
La gare de triage de Drancy-Le Bourget a été créée en 1884. Elle accueille une activité de tri de wagons de marchandises de toutes natures. Parmi ces wagons, figurent des wagons de transport de matières identifiées comme dangereuses au regard de la réglementation du transport des matières dangereuses (liquides inflammables, gaz inflammables, gaz toxiques, déchets nucléaire…). Cette exploitation ne relève pas de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement.
Les acteurs du site
Le site de la gare de triage de Drancy-Le Bourget est la propriété de Réseau Ferré de France, RFF. RFF en est également le gestionnaire mais la gestion quotidienne du site a été déléguée à la société SNCF. Plus précisément, c’est la société gestionnaire d’infrastructures de la SNCF, SNCF INFRA, qui assure la gestion de la gare.
D’après l’étude de dangers remise par RFF, un seul opérateur de fret utilise les installations de tri du site et il s’agit de la société FRET SNCF
La double évolution récente de la gare de triage de Drancy-Le Bourget
Récemment, la gare de triage de Drancy-Le Bourget a connu une double évolution.
Tout d’abord, l’activité de triage a été fortement développée à la suite de la fermeture de la gare de triage de Villeneuve-Saint-Georges. La SNCF ayant décidé de fermer ce site en 2010, l’essentiel de l’activité arrêtée a été redéployé sur le site de Drancy-Le Bourget.
Il a en effet été expliqué aux élus du Blanc Mesnil que depuis plusieurs années, la stratégie de la SNCF en matière de fret ferroviaire tend vers la concentration des activités de tri sur un nombre très limité de sites français en vue de massifier leur activité et d’obtenir une taille économique critique.
Telle a été la première évolution du site sur un plan matériel et économique.
Ensuite, en raison des évolutions réglementaires et législatives intervenues dans ce domaine et qui seront rappelées ci-après, la gare de triage de Drancy-Le Bourget est désormais visée par deux types d’actes préfectoraux :
- L’arrêté du 6 mars 2013 du Préfet de la Seine-Saint-Denis donnant acte de l’étude de dangers remise par RFF et prescrivant des mesures de fonctionnement à RFF et à toutes les entreprises intervenant sur le site ;
- L’arrêté préfectoral du 22 avril 2013, pour ce qui concerne la ville du Blanc- Mesnil, portant à la connaissance du maire les dangers identifiés par RFF dans son étude de dangers et les mesures de maîtrise de l’urbanisation à appliquer en conséquence dans un périmètre de 620 m autour du site.
Telle est la seconde évolution qu’a récemment connue le site de la gare de triage, évolution juridique cette fois
C’est à la suite de la réception de l’arrêté préfectoral du 22 avril 2013 identifiant des dangers précis et portant un coup d’arrêt au développement urbain de sa ville et aux projets de ses habitants en termes immobiliers, que le maire du Blanc- Mesnil a pris toute la mesure de la problématique : en raison de l’activité menée sur le site mais aussi en raison du renforcement de cette activité décidé uniquement par RFF et la SNCF, la population est exposée à des dangers majeurs et la commune se voit obligée d’interdire toutes constructions nouvelles sur une grande partie de son territoire.
Cette situation étant inacceptable pour des raisons de sécurité, inacceptable en raison de la dévalorisation du patrimoine des particuliers et inacceptable pour le développement et les projets de la ville, le maire du Blanc Mesnil et la députée de la Seine-Saint-Denis ont décidé de se saisir de ce dossier et d’engager des démarches non contentieuses dans un premier temps auprès des autorités compétentes.
Malheureusement, les avancées ainsi obtenues et exposées en détail ci-après sont insuffisantes au regard des dangers en présence.
Deux accidents sont intervenus au sein de la gare au mois de décembre 2013 et ils ont fini de convaincre le maire du Blanc Mesnil d’engager la présente action afin d’obtenir une expertise qui fait défaut à toutes les personnes tierces à cet ouvrage de triage, expertise qui apparaît à ce stade nécessaire à toute démarche ultérieure, contentieuse ou non.
De plus, le Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT), dans son premier rapport, met en cause la qualité des opérations de surveillance des voies et recommande à la SNCF et à RFF d'« améliorer le niveau de maîtrise des assemblages boulonnés des appareils de voie », de « clarifier et renforcer les règles relatives aux mesures à prendre en cas de détection d'anomalies affectant la boulonnerie des appareils de voie ».
Enfin, la SNCF et RFF doivent identifier les appareils de voie particulièrement sollicités sur certains secteurs et « présentant des particularités impliquant une maintenance renforcée ou une régénération anticipée ».
Nul doute que les installations de la gare de triage de Drancy-Le Bourget nécessitent une telle attention.
DISCUSSIONS
Aux termes de l’article R. 532-1 du Code de justice administrative :
« Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction.
Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission.
Les demandes présentées en application du présent chapitre sont dispensées du ministère d'avocat si elles se rattachent à des litiges dispensés de ce ministère. »
Sur le fondement de ces dispositions, la ville du Blanc-Mesnil sollicite la désignation d’un expert afin d’obtenir des précisions factuelles sur la situation du site de Drancy-Le Bourget.
Avant de formuler les termes de la demande d’expertise sollicitée, elle souhaite préciser, à toutes fins utiles, le cadre dans lequel ce dossier s’inscrit :
L’exploitation des gares de triage de wagons de transport de matières dangereuses présente en France une spécificité (A) ;
Les élus du Blanc Mesnil ont engagé dès le 22 avril 2013 des démarches non contentieuses auprès des autorités de l’Etat compétentes mais celles-ci n’ont pas abouti, à ce jour, à la communication d’informations environnementales suffisantes (B) ;
Il s’avère donc nécessaire de solliciter du juge administratif la désignation d’un expert afin de disposer de précisions utiles à différentes actions ultérieures éventuelles (C) ;
La demande d’expertise vise trois séries de faits (D).
A. La problématique des gares de triage en France : le risque industriel majeur en milieu urbain dense
La majorité des gares françaises de triage de wagons de transport de matières de toutes natures ont été créées il y a plusieurs décennies et elles présentent aujourd’hui une spécificité commune (1). À la suite de l’explosion de l’usine AZF au mois de septembre 2001, les pouvoirs publics ont décidé de mieux appréhender cette spécificité et ils ont posé les bases d’une réglementation permettant enfin un début d’encadrement des activités industrielles de triage (2).
1. Les données de la problématique
Les gares de triage de wagons de transport de matières dangereuses sont des installations industrielles présentant de hauts niveaux de risques. Au vu de ce constat, l’obligation d’établir des études de dangers a donc été introduite dans la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques. Des textes règlementaires sont ensuite venus compléter le dispositif applicable à ces ouvrages.
Cette loi est intervenue dans le prolongement de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse au mois de septembre 2001. Cette explosion avait en effet conduit les pouvoirs publics à se saisir de la problématique des risques industriels majeurs en milieu urbain, et plus précisément de la problématique des sites industriels enserrés dans un tissu urbain qui s’est densifié au cours du temps.
Dix ans plus tard et pour ce qui concerne l’activité des gares de triage qui ne relève pas de la police des installations classées, il apparaît que les premières mesures mises en place n’assurent pas une maîtrise satisfaisante des dangers liés à ces sites de triage qui sont le plus souvent implantés dans des environnements fortement urbanisés.
Des travaux de recherches menés à ce sujet ont en effet conduit à dresser la liste des difficultés qui se posent au législateur et au pouvoir règlementaire pour encadrer ces activités de triage dans des gares1.
Ces difficultés sont de plusieurs ordres :
L’objet même de l’activité de triage implique la prise en charge de matières dangereuses dont la nature et les quantités sont susceptibles de varier en permanence. S’y ajoute la difficulté relevée par tous les exploitants de suivre la localisation des différents wagons sur un même site.
L’implantation actuelle des gares de triage sur le territoire français entraîne des difficultés supplémentaires puisque celles-ci sont le plus souvent, pour des raisons historiques, situées dans des zones urbaines qui se sont fortement densifiées au cours des dernières décennies.
Enfin, le caractère exigu des gares de triage ainsi enserrées dans un tissu urbain dense rend difficilement applicable le principe général issu de la réglementation relative au transport des matières dangereuses et qui impose des distances d’éloignement entre les matières dangereuses incompatibles.
2. Un début d’amélioration de l’encadrement juridique en France en 2003
Plusieurs éléments peuvent être utilement rappelés afin de mieux comprendre le cadre dans lequel le présent dossier intervient et l’articulation des actes et documents entre eux : étude de dangers (a), arrêté préfectoral de porter à connaissance (b), arrêté préfectoral de prescriptions de fonctionnement (c) et plan particulier d’intervention (d).
1 Rapport préliminaire sur la prévention des risques liés au transport de matières dangereuses, IGE/03/015, CG Mines, CGPC (2003-0061-01) du 31 mars 2003 ; Séminaire INERIS relatif à l’évaluation globale des risques liés aux transports et aux stockages de produits dangereux ; Rapport relatif à l’application de l’article L. 551-2 du code de l’environnement aux ouvrages d’infrastructure de transport de matières dangereuses du mois de décembre 2005.
a. L’étude de dangers
L’article L. 551-2 du code de l’environnement prévoit que lorsque l’exploitation d’ouvrages d’infrastructure ferroviaire peut présenter de graves dangers pour la sécurité des populations, la salubrité et la santé publiques « du fait du stationnement, chargement ou déchargement de véhicules ou d’engins de transport contenant des matières dangereuses », une étude de dangers doit être réalisée et adressée au préfet.
Ce même article précise in fine qu’un décret en Conseil d’Etat détermine les modalités d’application de cette exigence selon les catégories d’ouvrages concernés et pour chaque mode de transport.
Ces modalités d’application sont définies aux articles R. 551-1 et suivants du code de l’environnement 2. Ces textes précisent le contenu de l’étude de dangers portant notamment sur les ouvrages d’infrastructures ferroviaires et indique qu’un arrêté ministériel peut préciser les critères techniques et méthodologiques à prendre en compte pour les études de dangers « en les adaptant, le cas échéant, à chaque catégorie d’ouvrages concernée ». L’article R. 551-13 du code prévoit par ailleurs que la liste nominative des ouvrages concernés par l’obligation de produire une étude de dangers doit être fixée par arrêté ministériel.
L’arrêté ministériel du 18 décembre 2009 relatif aux critères techniques et méthodologiques à prendre en compte pour les études de dangers des ouvrages d'infrastructures de transport où stationnent, sont chargés ou déchargés des véhicules ou des engins de transport contenant des matières dangereuses est ainsi intervenu pour préciser, notamment, le contenu des études de dangers des gares de triages
L’arrêté du 18 décembre 2009 vise par exemple les risques de rejets toxiques liés à la présence de chlore qui doivent être étudiés dans ces études de dangers.
La circulaire du 4 mars 2010 relative aux études de dangers remises en application de l’article L. 551-2 du code de l’environnement apporte également des précisions sur ces documents et indique que, « pour les sites de séjour temporaire ferroviaires » tels que les gares de triage, « le rédacteur de l’étude est le gestionnaire d’infrastructure ».
Un premier arrêté ministériel en date du 9 mai 2008 3 indiquait que la gare de triage de Drancy-Le Bourget était soumise « à l’obligation d’une étude de dangers ». Un nouvel arrêté du 15 juin 2012 4 a abrogé l’arrêté du 9 mai 2008 et
2 Les articles R. 551-1 et suivants du code de l’environnement sont issus de la codification du décret n° 2007-700 du 3 mai 2007 relatif aux études de dangers des ouvrages d’infrastructures de stationnement, chargement ou déchargement de matières dangereuses portant application de l’article L. 551-2 du code de l’environnement.
3 Arrêté du 9 mai 2008 fixant la liste des aires de stationnement ouvertes à la circulation publique et les gares de triage ou faisceaux de relais soumis aux dispositions du décret n° 2007-700 du 3 mai 2007 relatif aux études de dangers des ouvrages d'infrastructures de stationnement, chargement ou déchargement de matières dangereuses portant application de l'article L. 551-2 du code de l'environnement.
4 Arrêté du 15 juin 2012 fixant la liste des ouvrages d'infrastructures routières, ferroviaires, portuaires ou de navigation intérieure et des installations multimodales soumis aux dispositions de la partie réglementaire du code de l'environnement portant application de l'article L. 551-2 du code de l'en ferroviaires, portuaires ou de visé à nouveau la gare de Drancy-Le Bourget comme étant soumise à l’obligation de réaliser une étude de dangers.
Pour terminer sur ce point, la circulaire du 19 novembre 2012 relative aux mesures de maîtrise des risques et au porter à connaissance à mettre en œuvre dans le cadre des études de dangers remises en application de l’article L. 551-2 du code de l’environnement vise également ces études de dangers et apporte des précisions sur les trois mesures susceptibles d’être prises par le préfet dans le prolongement de ces études de dangers. Il s’agit du porter à connaissance, de l’arrêté de prescriptions et de la réalisation ou de la demande de mise à jour du plan particulier d’intervention.
Production n° 1. Etude de dangers présentée par RF Production n° 2. Analyse de l’étude de dangers par l’inspection des installations classées -
DRIEE
b. L’arrêté préfectoral de porter à connaissance
La circulaire du 19 novembre 2012 prévoit que :
« A l’issue de l’instruction des études de dangers, le préfet de département peut être amené à prescrire des mesures d’aménagement ou d’exploitation (d’ordre technique ou organisationnel) visant à prévenir les risques les plus importants, à réaliser ou mettre à jour les plans particuliers d’intervention autour de ces ouvrages et à réaliser le porter à connaissance des collectivités en charge de l’urbanisme ».
Pour ce qui concerne le porter à connaissance, la circulaire précise qu’il relève de la mission générale d’information incombant aux préfets et dite de « porter à connaissance », telle qu’elle est prévue par l’article L. 121-2 du code de l’urbanisme.
La circulaire comporte également, en annexe, des « règles (…) dont les préfets pourront s’inspirer pour rédiger des préconisations d’urbanisme » et le détail de ce porter à connaissance. Elle précise ainsi que :
« Pour les phénomènes dangereux qui auront été identifiés dans l’étude de dangers, le « porter à connaissance risques technologiques » comporte obligatoirement deux parties :
- une première partie relative à la connaissance des aléas technologiques, dont les éléments sont fournis par la DREAL/DRIEE/DEAL au préfet et à la DDT(M) ;
- une deuxième partie relative aux préconisations en matière d’urbanisme élaborées par la DDT(M) sur la base des éléments fournis au préfet. »
navigation intérieure et des installations multimodales soumis aux dispositions de la partie réglementaire du code de l'environnement portant application de l'article L. 551-2 du code de l'environnement.
C’est au vu de ces textes et de l’étude de dangers remise par RFF que le Préfet de la Seine-Saint-Denis a adressé, le 22 avril 2013, un porter à connaissance au maire du Blanc-Mesnil.
Production n° 3. Arrêté préfectoral du 22 avril 2013
Le deuxième acte attendu du préfet est un arrêté préfectoral de prescriptions.
c. L’arrêté préfectoral de prescriptions de fonctionnement et d’aménagement
L’article L. 551-3 prévoit que le préfet peut, par la voie d’un arrêté, « fixer les prescriptions d'aménagement et d'exploitation des ouvrages d'infrastructure jugées indispensables pour préserver la sécurité des populations, la salubrité et la santé publiques directement ou indirectement par pollution du milieu ».
L’article R. 551-6-1 du code de l’environnement précise ensuite le contenu de ces arrêtés préfectoraux de prescriptions. Aux termes de cet article :
« Les arrêtés fixant les prescriptions d'aménagement et d'exploitation des ouvrages d'infrastructure prévues à l'article L. 551-3 sont pris par le représentant de l'Etat dans le département selon les modalités définies aux articles R. 551-6-2 et R. 551-6-3.
Ces arrêtés précisent notamment :
1° Les prescriptions d'exploitation relatives aux mesures d'urgence incombant, suivant le cas, au maître d'ouvrage, au gestionnaire de l'infrastructure, au propriétaire, à l'exploitant ou à l'opérateur, ainsi que leurs obligations en matière d'information et d'alerte des personnes susceptibles d'être affectées par un accident, quant aux dangers encourus, aux mesures de sécurité et au comportement à adopter ;
2° L'obligation pour le maître d'ouvrage de l'infrastructure, son gestionnaire, son propriétaire, son exploitant ou l'opérateur en faisant usage de déclarer, dans les meilleurs délais et au plus tard sous un mois au représentant de l'Etat dans le département, les accidents ou incidents survenus du fait du fonctionnement de cet ouvrage qui sont de nature à porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L 551-3 ;
3° Le cas échéant, les obligations d'affichage destinées à informer certains utilisateurs de règles d'utilisation de l'ouvrage d'infrastructure. »
La circulaire du 19 novembre 2012 apporte des précisions sur le contenu de cet arrêté préfectoral de prescriptions. Elle indique l’identité des destinataires de ces arrêtés et le contenu des mesures prescrites.
Il s’agit de mesures d’aménagement ou d’exploitation d’ordre technique ou organisationnel visant à prévenir les risques les plus importants et ces mesures peuvent être de deux types. Il peut s’agir :
« - des mesures relatives à l’organisation, aux aménagements sur site, aux équipements à mettre en place et aux investissements de sécurité ;
- le cas échéant des mesures relatives au trafic transitant par l’ouvrage (interdiction ou limitation dans le temps ou en nombre). »
Le Préfet de la Seine-Saint-Denis a ainsi édicté un arrêté en date du 6 mars 2013.
Production n° 4. Arrêté préfectoral du 6 mars 2013
Enfin, il convient d’évoquer ici les dispositions relatives aux plans particuliers d’intervention applicables aux ouvrages tels que les gares de triage.
d. Le plan particulier d’intervention
Aux termes de l’article 1er 5° du décret n° 2005-1158 du 13 septembre 2005 relatif aux plans particuliers d'intervention concernant certains ouvrages ou installations fixes et pris en application de l'article 15 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile, sont soumis à l’obligation d’établir un PPI « les ouvrages d’infrastructure liée au transport des matières dangereuses, définis par les décrets prévus à l’article L. 551-2 du code de l’environnement ».
Or, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, la gare de triage de Drancy-Le Bourget a été nominativement visée comme relevant de l’article L. 551-2 du code de l’environnement par un arrêté ministériel du 9 mai 2008, puis par un arrêté du 15 juin 2012
B. Les démarches non contentieuses engagées par les élus du Blanc Mesnil à compter du 22 avril 2013
Dès la réception de l’arrêté de porter à connaissance du 22 avril 2013, le maire du Blanc-Mesnil s’est mobilisé afin de démontrer, d’une part, l’absence de résignation de ses administrés et de la ville face à cette situation et, d’autre part, sa volonté d’obtenir des informations à caractère environnemental nécessaires à sa connaissance de l’activité de la gare.
Un premier communiqué a été établi le 25 avril 2013.
Production n° 5. Communiqué du maire du Blanc Mesnil du 25 avril 2013
Une pétition a également été diffusée le 11 juin 2013, immédiatement à la suite d’une première lettre adressée au Premier ministre.
Production n° 6. Lettre au Premier ministre du 10 juin 2013
Production n° 7. Pétition du 11 juin 2013
Par la suite, le maire et la députée ont engagé des démarches plus ciblées auprès des autorités de l’État.
1. Les demandes présentées au Préfet et au Premier ministre
Le 10 juillet 2013, le maire du Blanc Mesnil a adressé trois demandes spécifiques au Préfet de la Seine-Saint-Denis. Par cette lettre, il lui demandait:
D’établir le bilan d’utilité publique de l’activité de triage de wagons de matières dangereuses dans un milieu urbanisé « extrêmement dense » car aucun élément permettant de justifier le choix du renforcement de l’activité de triage de wagons de produits chimiques sur le site de Drancy-Le Bourget ne figure dans l’étude de dangers ou dans tout autre document disponible ou mis à la disposition du public.
Bien évidemment, le maire du Blanc-Mesnil et la population étaient d’ores et déjà parfaitement conscients de la nécessité de préserver le principe de l’activité du fret ferroviaire afin d’éviter tout report inutile sur le fret routier.
D’enjoindre à RFF et à la SNCF de compléter l’étude de dangers et de faire procéder à une tierce expertise de plusieurs éléments de l’étude. La DRIEE a en effet relevé dans son analyse de l’étude de dangers plusieurs points manquants et plusieurs éléments appelant des commentaires et correspondant à des enjeux importants.
D’enjoindre à RFF et à la SNCF de respecter des mesures d’exploitation urgentes (confinement, contournement, respect de distances d’éloignement…) dans l’attente du bilan d’utilité publique, des compléments de l’étude et de la tierce expertise.
Afin de ne pas alourdir le texte de la présente requête, les motifs détaillés apportés au soutien de ces trois demandes et le détail desdites demandes ne seront pas reproduits ici. La lettre du 10 juillet 2013 est présentée en production.
Production n° 8. Lettre au Préfet du 10 juillet 2013
Le 11 juillet 2013, le maire du Blanc Mesnil et la députée de la Seine-Saint-Denis ont adressé un courrier au Premier ministre pour lui présenter les demandes soumises au Préfet et l’interpeller, par ailleurs, sur la nécessité de poursuivre rapidement le travail d’encadrement législatif et réglementaire des activités de triage.
Production n° 9. Lettre au Premier ministre du 11 juillet 2013
Le 31 juillet 2013, le Premier ministre a accusé réception du courrier des élus et a transmis cette correspondance au ministre chargé des transports. Le préfet de Seine-Saint-Denis a également accusé réception de la lettre le 2 août 2013.
Production n° 10. Lettre du Premier ministre du 31 juillet 2013
Production n° 11. Lettre du Préfet du 2 août 2013
Par un courrier en date du 30 septembre 2013, le ministre des transports saisi du dossier par le Premier ministre a répondu au maire du Blanc Mesnil. Il lui a notamment indiqué que « des hypothèses de déplacement du trafic de matières dangereuses vers d’autres gares de triage ont été étudiées, mais que de telles solutions exigeraient le déménagement de l’intégralité du trafic ferroviaire et ainsi ne paraissent pas aujourd’hui envisageables ».
Le ministre a ajouté que ces solutions « entraîneraient par ailleurs des coûts qui impliqueraient inexorablement le transfert vers le fret routier d’une majorité du trafic, sans accroissement global du niveau de sécurité, au contraire ».
Production n° 12. Lettre du ministre des transports du 30 septembre 2013
Enfin, le 5 octobre 2013 le Préfet de la Seine-Saint-Denis a reçu le maire du Blanc Mesnil et la députée de la Seine-Saint-Denis pour évoquer avec eux les problèmes relatifs à la gare de triage de Drancy-Le Bourget.
2. La saisine du CSPRT
En complément de ces démarches ciblées sur le cas concret de la gare de triage de Drancy-Le Bourget, le maire du Blanc Mesnil a saisi deux membres du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) afin que ce conseil puisse étudier la problématique juridique qui se pose actuellement pour de nombreuses gares de triage françaises.
Production n° 13. Lettre de saisine du CSPRT du 13 septembre 2013
3. La délégation reçue à Matignon et les suites données par le Premier ministre
Considérant que le cas de l’exploitation du site de Drancy-Le Bourget pose des difficultés particulières et que la réglementation telle qu’elle existe actuellement présente des insuffisances, le Premier ministre a accepté de recevoir une délégation conduite par le maire du Blanc Mesnil et la députée de Seine-Saint- Denis le 11 octobre 2013.
C’est ainsi qu’a été reçue à Matignon une délégation comprenant le maire du Blanc Mesnil, la députée de la Seine-Saint-Denis, le représentant d’un collectif de riverains – le CORIGAT – mobilisés pour mieux comprendre l’impact de l’exploitation du site sur la vie des habitants et pour formuler toute demande utile à la protection de leurs intérêts. Trois riverains participaient également à cette délégation.
Dans le cadre de la réunion qui s’est ainsi tenue le 11 octobre 2011, des conseillers du Premier ministre et des membres du ministère chargé des transports et des risques technologiques ont évoqué la mise en place de deux mesures générales et d’une mesure spécifique au site
Les représentants du gouvernement ont ainsi proposé le lancement de deux études : une première étude portant sur l’accidentologie dans les gares de triage et une seconde étude portant sur les mesures de sécurisation à mettre en place et sur leur apport dans la réduction des risques à la source.
La mesure plus concrète concernant la gare de triage de Drancy-Le Bourget vise la mise en place, à la demande expresse du Premier ministre auprès du Préfet de Seine-Saint-Denis d’un comité local d’information (CLI) permettant enfin un dialogue entre les différents acteurs du dossier et la diffusion d’informations aux élus et aux populations. L’information est en effet à ce jour parfaitement inexistante, les textes étant silencieux sur ce point.
Le maire du Blanc Mesnil ayant fortement insisté auprès du Préfet et du Premier ministre concernant ce comité, le CLI devraient en principe être réuni avant le 15 février prochain. Cette mesure concrète est évidemment une première avancée dont se félicité la ville du Blanc-Mesnil.
Enfin, plus récemment et dans le prolongement de la réunion ayant eu lieu à Matignon le 11 octobre 2013, le ministre des transports a écrit à la députée de la Seine-Saint-Denis pour lui indiquer que son ministère continuait à suivre le dossier. Dans son courrier, le ministre évoque également deux éléments intéressants :
- concernant le choix de la gare de triage de Drancy-Le Bourget pour concentrer les opérations de tri de wagons de matières dangereuses, le ministre indique qu’il n’est pas nécessaire de « rappeler les arguments qui rendent impossible, dans des conditions économiques acceptables - c’est-à-dire sans donner aux transporteurs une forte incitation à basculer les trafics sur camion - un déménagement du triage sur un autre site ».
Il s’infère de cette précision qu’une étude sur la pertinence du choix de ce site a été réalisée en amont. Il s’agit d’une analyse que le maire du Blanc Mesnil souhaite étudier à son tour. C’est en effet précisément la raison pour laquelle, dans ses courriers des 10 et 11 juillet 2013, adressés au Premier ministre et au Préfet de la Seine-Saint-Denis, il demandait que soit dressé, par l’État, un bilan d’utilité publique
- Dans ce même courrier en date du 28 novembre 2013, le ministre des transports indique qu’ « une étude est en cours pour affiner, sur la base de comparaison européenne, les probabilités des différents accidents potentiels identifiés sur les sites de triage. Les résultats de cette étude sont attendus d’ici la fin de l’année.» Le ministre ajoute que le maire du Blanc Mesnil, avec les autres élus, sera associé à la présentation des résultats de cette étude et sur la façon dont elle pourrait impacter l’actuelle étude de dangers de RFF.
Cette précision permet de confirmer que l’étude sur l’accidentologie mentionnée au cours de la réunion ayant eu lieu à Matignon le 11 octobre 2013 aura un caractère général, c’est-à-dire non spécifique au cas de la gare de triage de Drancy-Le Bourget.
Selon toute vraisemblance d’ailleurs, il doit s’agir de l’expertise européenne concernant « l’évaluation des risques liés aux wagons de marchandises dangereuses » visée par le ministre des transports dans sa réponse ministérielle du
20 mars 2013 à la question posée par Monsieur Gérard Terrier concernant l’interdiction du transit de matières dangereuses par la gare de triage de Woippy. Selon cette réponse ministérielle, l’étude devait être finalisée à la fin de l’été 2013 (JO AN 20 mars 2013, p. 3000).
Production n° 14. Lettre du ministre des transports à la députée de Seine-Saint-Denis du 28 novembre 2013
Si les avancées et précisions ainsi obtenues sont intéressantes et révèlent la préoccupation partagée des pouvoirs publics face à cet ouvrage industriel que constitue la gare de triage de Drancy-Le Bourget, elles sont toutefois insuffisantes et la ville du Blanc-Mesnil a aujourd’hui besoin d’obtenir des avis émanant d’un expert tiers.
Il convient également de préciser qu’il est apparu au maire du Blanc-Mesnil, au cours des différents échanges qu’il a eus avec le Préfet de la Seine-Saint-Denis et les membres du Gouvernement, que les représentants de l’État sont conscients de l’insuffisance de la réglementation actuelle (absence de concertation, absence d’étude d’impact notamment).
Cette situation juridique rappelle celle qui existait il y a un peu plus de 12 ans, lorsque l’usine AZF a explosé et que tous les acteurs ont pris conscience, a posteriori, de l’insuffisance de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement concernant la prise en compte du danger industriel en milieu urbain dense
Le requérant tient encore à souligner ici que l’argument selon lequel le fret ferroviaire est à privilégier par rapport au fret routier pour le transport des matières dangereuses est bien évidemment un élément très important du débat.
Pour autant il ne saurait constituer une fin de non-recevoir opposable à toutes les demandes légitimes formulées par le maire d’une collectivité exposée à des dangers industriels
C. La nécessité de solliciter une expertise judiciaire
Le maire du Blanc Mesnil est l’autorité compétente en matière d’urbanisme sur le territoire de la ville et il est donc chargé de la mise en œuvre du porter à connaissance qui lui a été adressé par le Préfet le 22 avril 2013.
Il est également une autorité de police administrative. À ce titre, il détient des pouvoirs de police administrative générale ainsi que des pouvoirs de police administrative spéciale dans le domaine de l’environnement. Il pourrait donc être conduit, en cas de péril imminent par exemple, à mettre en œuvre ses pouvoirs de police face à l’activité industrielle exploitée au sein de la gare de triage de Drancy-Le Bourget.
Or, en raison de l’état actuel de la législation applicable à l’exploitation des gares de triage de wagons de matières de toutes natures, en raison également de l’insuffisance sur plusieurs aspects de l’étude de dangers de RFF, le maire du Blanc Mesnil ne dispose pas de toutes les informations utiles à la mise en œuvre, le cas échéant, de tels pouvoirs de police.
A titre d’illustration de cette insuffisance d’information liée à l’état de la législation, si la gare de triage appartenant à RFF doit désormais faire l’objet d’une étude de dangers et d’un PPI - lesquels documents révèlent à eux seuls la dangerosité de cette exploitation industrielle -, aucune étude d’impact n’est imposée par les textes.
Par conséquent, le maire ne dispose pas des informations factuelles minimales qui doivent en principe figurer dans les évaluations environnementales et qui sont notamment les suivantes, en application du code de l’environnement :
L’étude des effets négatifs et positifs de l’exploitation industrielle sur la commodité du voisinage, l’hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ;
une analyse des effets cumulés de l’exploitation avec d’autres projets connus ; L’étude des solutions alternatives à l’exploitation arrêtée ;
Les mesures prévues par le maître d’ouvrage pour éviter les effets négatifs notables de l’exploitation sur l’environnement ou la santé humaine et les mesures prises pour réduire les effets n’ayant pu être évités ainsi que les modalités de suivi de ces mesures.
S’agissant toujours de l’état actuel de la législation, il est intéressant de relever une précision apportée par la DRIEE dans son analyse de l’étude de dangers :
« Acceptabilité du site dans son environnement
Contrairement aux installations classées, aucune circulaire nationale ne définit actuellement les modalités d’évaluation de l’acceptabilité d’une infrastructure de transport dans son environnement. Un projet est toutefois en cours de préparation par le ministère en charge de l’environnement : celui-ci part du postulat que les infrastructures de transport existantes sont acceptables dans leur environnement mais que des situations peuvent nécessiter des mesures supplémentaires de réduction des risques.
(…
La DRIEE considère donc que la gare de triage est acceptable dans son environnement actuel ».
Prooduction n° 2. Analyse de l’étude de dangers par la DRIEE, page 6
Bien évidemment, le maire du Blanc Mesnil ne saurait pour sa part se satisfaire d’un postulat lorsqu’est en cause la sécurité des habitants de sa ville.
Surtout, deux accidents sont intervenus au mois de décembre 2013 sur le site de la gare de triage de Drancy-Le Bourget et ces nouveaux événements ont déterminé le maire à ne pas rester dans l’attente des informations qui lui seront adressées par RFF et SNCF dans le cadre du comité local d’information, ainsi que par l’État dans le cadre de la remise des études en cours ou à lancer.
Le 11 décembre, un train transportant habituellement des produits chimiques mais qui fort heureusement était vide a déraillé sur le site de la gare de triage.
Le 23 décembre en revanche, c’est un wagon de transport de déchets nucléaires qui a déraillé. Fort heureusement, ce train qui contenait 6 tonnes de combustible nucléaire selon certaines sources de presse ne s’est pas renversé. Aucune fuite n’a par ailleurs été détectée.
Le maire, pourtant autorité de police, n’a pas eu plus de détail sur le contenu ou l’absence de contenu de ce wagon de la part de la préfecture.
Dans les deux cas, le plan d’urgence interne matières dangereuses (PUIMD) a été mis en œuvre.
Ainsi, que ce soit pour être à même de mettre en œuvre ses pouvoirs de police propre, ou pour solliciter du Préfet des arrêtés de prescriptions complémentaires à adresser à RFF, SNCF INFRA et FRET SNCF pour qu’ils prennent de nouvelles mesures (tierce expertise, confinement, respect de distances d’éloignement, arrêt du triage de certaines matières dangereuses ou réduction du volume de triage de certaines matières…), ou encore pour engager toute autre action éventuelle à l’encontre de l’État et des acteurs du site par exemple en cas d’insuffisance notable de l’étude de dangers et des mesures de sécurité validées ou imposées par l’Etat, le maire du Blanc Mesnil a besoin d’un avis technique dont il ne dispose pas à ce jour.
Il ressort de la jurisprudence administrative qu’un maire a qualité pour présenter une telle demande en référé, sans que cette demande ne porte atteinte au pouvoir de police spéciale du préfet le cas échéant (police des installations classées par exemple). Un maire a ainsi pu solliciter une expertise portant sur la pollution d’un site visé par une étude d’impact car, notamment, ce document ne permettait pas d’apprécier l’ampleur exacte d’une pollution.
Des lors que l’information environnementale dont il disposait était insuffisante, le maire en cause a pu valablement solliciter et obtenir le prononcé d’une expertise afin de disposer d’informations environnementales et d’être à même, si nécessaire, d’exercer ses pouvoirs de police administrative générale pour assurer la sécurité et la salubrité publique, et pour prévenir ou faire cesser les pollutions de toute nature (CAA Paris, 5 août 2004, Ville de Paris, n° 03PA04859).
De la même manière, plus récemment, la Cour administrative d’appel de Nancy a confirmé l’ordonnance par laquelle le Juge des référés du Tribunal administratif de Besançon a, à la demande d’une commune, « ordonné une expertise aux fins de déterminer si des mesures suffisantes ont été prises pour mettre fin aux dysfonctionnements des alarmes de sécurité du site ANTARGAZ de Bourgogne et si la modification intervenue des modifications d’approvisionnement a une influence sur la préservation des intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement ».
Dans cette affaire, une commune avait sollicité une mesure d’expertise portant sur le fonctionnement d’une installation classée soumise à la police spéciale du préfet et la défenderesse avait essayé de faire valoir, en vain, que la confirmation de l’ordonnance pourrait ouvrir la voie à une multiplication déraisonnable des demandes d’expertise et qu’elle serait de nature à substituer à l’action de l’administration, qui dispose d’un expert technique, l’appréciation d’un expert judiciaire.
La Cour a toutefois saisi l’utilité de la mesure sollicitée pour la commune qui, elle, ne disposait pas d’une expertise technique en interne. La juridiction d’appel a donc confirmé l’ordonnance de référé prévoyant cette expertise (CAA Nancy, 3 février 2011, Société Antargaz, n° 11NC00136).
Il est à noter également que les habitants de la ville sollicitent régulièrement les services municipaux du Blanc Mesnil afin d’obtenir des précisions sur cette exploitation industrielle et sur les conséquences de cette exploitation sur leur sécurité et leur patrimoine. Le maire, autorité de police, doit être à même de leur dispenser ces informations.
Enfin, à l’occasion d’un contentieux récent portant également sur une mission d’expertise visant la pollution d’un terrain, le Conseil d’Etat a indiqué au vu des dispositions de l’article R. 532-1du code de justice administrative que :
« Si le juge des référés n’est pas saisi du principal, l’utilité d’une mesure d’instruction ou d’expertise qu’il lui est demandé d’ordonner sur le fondement de l’article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée dans la perspective d’un litige principal, actuel ou éventuel, relevant lui-même de la compétence de la juridiction à laquelle ce juge appartient, et auquel cette mesure est susceptible de se rattacher » (CE 12 avril 2013, SCI Chalet des Aulnes, n° 363282).
La présente demande d’expertise est présentée au Juge administratif de céans dès lors que la gare de triage de Drancy-Le Bourget appartient à RFF et qu’elle fait l’objet d’un arrêté préfectoral de prescriptions. Les nouvelles demandes éventuellement formées par le maire dans ce dossier devraient être adressées au Préfet ou relèveraient en tout état de cause de la juridiction administrative, de même que, par voie de conséquence, les actions contentieuses y afférentes (demande d’annulation d’un refus préfectoral, recherche de la responsabilité de l’Etat pour carence etc.).
D. L’expertise sollicitée
Le maire du Blanc Mesnil souhaite obtenir des précisions par voie d’expertise concernant le choix de maintenir l’activité de triage de matières dangereuses sur le site de Drancy-Le Bourget puis de renforcer cette activité (a).
Il souhaite également qu’un expert examine certaines analyses menées dans le cadre de l’étude de dangers établie par RFF ainsi que certains éléments de l’étude de dangers qui auraient dû y figurer mais qui n’ont pas été traités (b)
Enfin, le maire sollicite une étude portant sur l’impact de l’exploitation de la gare de triage sur le patrimoine privé existant sur le territoire de sa ville (c).
a. La pertinence du choix du site de Drancy - Le Bourget
Dès la réception de l’arrêté préfectoral portant à sa connaissance les dangers identifiés par RFF dans son étude de dangers et indiquant les mesures de maîtrise de l’urbanisation à établir sur le territoire de la ville en conséquence, le maire du Blanc Mesnil s’est interrogé sur les raisons pour lesquelles l’Etat a accepté de laisser une telle activité, dont le volume et la nature sont définies uniquement par RFF, sur un site fortement urbanisé.
Le maire a donc demandé au Préfet de bien vouloir établir un bilan de l’utilité publique de cette activité de triage portant sur des wagons de matières dangereuses. Notant l’importance de ne pas remettre en cause l’activité classique du centre de triage et d’éviter de transférer sur des camions des produits qui deviendraient plus dangereux, il lui a demandé de bien vouloir établir un bilan prenant en compte la gravité des risques liés à cette activité au regard de la population exposée, au regard de l’atteinte à la propriété privée, ou encore au regard de l’atteinte aux intérêts publics en présence dans un secteur porteur de projets structurants du Grand Paris.
Le maire demandait également que ce bilan soit réalisé au regard des solutions alternatives à l’exploitation d’une telle activité en milieu urbain et en prenant en compte le fait que, ainsi que l’a relevé la DRIEE dans son analyse, « la plupart des wagons triés n’est pas destinée à la consommation francilienne ou expédiée par des chargeurs franciliens » et que cette activité a vocation à s’intensifier au sein de la gare de triage.
Production n° 2. Analyse de l’étude de dangers par la DRIEE, page3
Dans son courrier du 28 novembre 2013 adressé à la députée de la Seine-Saint- Denis, le ministre des transports a par ailleurs évoqué, tout en jugeant inutile de les rappeler, « les arguments qui rendent impossible, dans des conditions économiques acceptables - c’est-à-dire sans donner aux transporteurs une forte incitation à basculer les trafics sur camion - un déménagement du triage sur un autre site ».
Le maire du Blanc Mesnil estime au contraire qu’il serait très utile de connaître ces arguments et l’analyse qui en a été faite par RFF et par les services de l’Etat.
Production n° 14. Lettre du ministre des transports à la députée de Seine-Saint-Denis du 28 novembre 2013
L’expert donnera son avis sur le point de savoir si le site fortement urbanisé de Drancy-Le Bourget est le plus pertinent, parmi tous les sites envisagés par RFF et la SNCF, au regard des dangers d’une telle exploitation et au regard de la réorganisation du fret en Île-de-France, pour regrouper toutes les activités de triage de matières dangereuses.
À cette fin, il pourra se faire communiquer les documents utiles par les parties à la procédure tels que, par exemple, les documents dans lesquels les arguments évoqués par le ministre des transports sont exposés, les études réalisées pour opérer un bilan puis un choix de localisation du centre de triage, les éléments de la réflexion actuellement en cours entre l’Etat et Port autonome de Paris concernant la réorganisation du fret ferroviaire en Île-de-France.
L’expert donnera également son avis sur le point de savoir si, au vu des observations formulées par la DRIEE sur l’étude de dangers, le site de Drancy-Le Bourget est suffisamment calibré, en termes d’équipements de sécurité, pour accueillir le regroupement de toutes les activités de triage de matières dangereuses.
Dans le cadre de son analyse de l’étude de dangers, la DRIEE a en effet relevé l’absence de certains équipements techniques sur le site. Le maire du Blanc Mesnil n’est évidemment pas compétent pour déterminer si de telles les absences sont préjudiciables ou non à l’exploitation d’un site de triage de wagons de matières dangereuses et il a ici encore besoin d’une analyse technique et tierce.
La DRIEE a par exemple relevé que « les eaux de ruissellement ne sont pas collectées et [qu’] il n’existe pas de bassins de rétention sur le site ».
b. Les modalités d’encadrement et d’exploitation du site de Drancy-LeBourget
L’inspection des installations classées a relevé, dans son analyse de l’étude de dangers, que plusieurs faits importants n’ont pas été analysés et que d’autres éléments ont été étudiés de manière insuffisante.
L’expert devra examiner ces différents points de l’étude de dangers et donner son avis sur l’analyse menée par RFF au regard des dangers liés l’activité de triage de wagons de matières dangereuses et au vu du fait que le site est en cours d’exploitation.
Ces points sont les suivants :
L’insuffisance de l’identification de la population exposée aux dangers alors même que l’étude de dangers a pour objet l’étude des dangers et des populations exposées, puis la définition des moyens à mettre en place, par voie de conséquence, afin de protéger lesdites populations (Rapport de la DRIEE, pages 11 et 21) ;
Les effets domino qui n’ont pas été étudiés de manière complète alors qu’il s’agit de sources de dangers parmi les plus importants dans le cadre de l’exploitation de tels ouvrages d’infrastructure (Rapport précité, pages 13 et 25) ;
La gestion des incompatibilités de produits dangereux en cas de perte de confinement de 2 wagons de marchandises dangereuses qui n’a pas été étudiée au stade de la composition des trains alors que des mélanges incompatibles peuvent s’opérer en cas de déversement accidentel (Rapport précité, page 15) ;
La caractérisation du phénomène dangereux feu de nappe à la suite de la formation d’une nappe sur le site (Rapport précité, page 17 mentionnant deux cas récents de flaques constituées dans des gares) ;
La prise en compte expresse des dangers liés aux wagons vides non- dégazés qui demeurent porteurs d’un potentiel de dangers liés à la matière (Rapport précité, page 23 rappelant l’évènement intervenu au sein de la gare de triage de Woippy au mois de décembre 2010 et au cours duquel une rame de 8 wagons de céréales a percuté 3 wagons de chlore non-dégazés stationnés en bas de la bosse).
L’expert donnera ensuite son avis sur des faits analysés mais qui méritent un commentaire technique en raison de leur importance. Après avoir examiné l’analyse menée par RFF sur ces points puis les prescriptions techniques qui ont été formulées par le Préfet dans l’arrêté du 6 mars 2013, l’expert donnera son avis sur ces éléments (suffisance de l’analyse, pertinence et suffisance des prescriptions techniques visant ces dangers).
L’expert devra ainsi examiner l’analyse menée sur :
La gestion des dangers liés au chlore qui a été examinée par RFF et la SNCF au vu de la méthodologie en vigueur à la date de la remise de l’étude de dangers – le 2 septembre 2011 – mais à laquelle a ensuite été appliquée par le Préfet une doctrine administrative non règlementaire postérieure au rendu du document – circulaire du 19 novembre 2012 -. Considérant qu’il s’agissait de matières dangereuses rarement présentes sur le site, le Préfet a en effet décidé qu’aucune mesure de maîtrise de l’urbanisation ne serait liée à ces dangers.
Pour ce faire, le Préfet s’est notamment fondé sur une lettre du directeur général de FRET SNCF du 1er juin 2011 par laquelle celui-ci se serait engagé à mettre en œuvre des actions pour atténuer les risques présentés par les opérations de tri des wagons de chlore sur le site.
Or la doctrine exprimée dans la circulaire du 19 novembre 2012 n’est nullement reprise dans un texte de portée obligatoire. Elle ne saurait donc permettre d’encadrer une activité telle que celle de la gare de triage sur un sujet aussi sensible que celui de la protection des populations.
De plus, s’il devait être considéré que la circulaire du 19 novembre 2012 pouvait valablement asseoir l’action du Préfet sur ce point, comment justifier que le simple courrier du directeur de FRET SNCF ait été considéré comme suffisant alors que la circulaire indique que « les éventuelles mesures de maîtrise des risques pouvant être mis en place feront l’objet d’une discussion dans l’étude de dangers » ?
Les moyens identifiés pour réduire les potentiels de dangers à la source et les moyens identifiés pour limiter les dangers auxquels sont exposés les agents travaillant sur le site de la gare de triage ainsi que les populations.
Au vu des avis qu’il aura ainsi formulés, l’expert donnera un avis sur les mesures techniques nouvelles ou complémentaires, définitives ou provisoires, qui seraient éventuellement utiles à la protection de la sécurité des agents présents sur le site et à la protection des habitants exposés aux dangers de la gare.
A ce titre, il se prononcera notamment sur les mesures techniques suivantes :
mesures de confinement de certains wagons,
interdiction partielle ou totale de l’activité de tri de certains produits dangereux, limitation de la durée de présence des wagons de matières dangereuses sur le site, le cas échéant en fonction des produits en cause ;
exigence du suivi de ces durées par le gestionnaire du site et consignation des durées dans un registre tenu à la disposition de l’inspection des installations classées. En effet, si la gare de triage n’a en principe vocation à accueillir que des activités de tri d’une durée limitée (Etude de dangers, page 79/198), la DRIEE a cependant relevé que, dans les faits, « aucune donnée n’est aujourd’hui disponible sur la durée de stationnement » (Rapport précité, page 15) ;
obligation de respecter des distances d’éloignement entre les wagons de matières dangereuses incompatibles comme l’impose le principe général applicable au transport de matières dangereuses et ce, sans que le caractère restreint de l’espace de la gare de triage de Drancy-Le Bourget ne puisse être invoqué.
c. L’incidence de l’exploitation de la gare de triage sur les constructions existantes
Enfin, l’expert devra également formuler un avis sur l’incidence financière de l’exploitation du site de Drancy-Le Bourget ainsi reconfigurée et assortie de mesures importantes de limitation de l’urbanisation sur le patrimoine existant des particuliers, qu’il soit particulier ou collectif.
Par ces motifs
La ville du Blanc Mesnil demande au Président du Tribunal administratif de Montreuil de:
Désigner tel expert qu’il lui plaira avec mission de :
Se faire communiquer par les parties tous les documents nécessaires à sa mission ; Entendre les parties et tous sachants utiles à sa mission ;
Donner un avis sur le point de savoir si le site fortement urbanisé de Drancy-Le Bourget est le plus pertinent, parmi tous les sites envisagés par RFF et la SNCF, au regard des dangers d’une telle exploitation et au regard de la réorganisation du fret en Île-de-France, pour regrouper toutes les activités de triage de matières dangereuses ;
Donner un avis sur le point de savoir si, au vu des observations formulées par la DRIEE sur l’étude de dangers, le site de Drancy-Le Bourget est suffisamment calibré, en termes d’équipements de sécurité, pour accueillir le regroupement de toutes les activités de triage de matières dangereuses ;
Donner un avis sur le fait que l’exploitation se poursuit et qu’elle présente des dangers importants, alors que certains points n’ont pas été étudiés ou insuffisamment étudiés dans l’étude de dangers. Cet avis sera porté au vu des éléments suivants relevés par la DRIEE :
L’identification de la population exposée aux dangers
Les effets domino
La gestion des incompatibilités de produits dangereux en cas de perte de confinement de 2 wagons de marchandises dangereuses
La caractérisation du phénomène dangereux feu de nappe à la suite de la formation d’une nappe sur le site
La prise en compte expresse des dangers liés aux wagons vides non-dégazés
Donner un avis sur d’autres éléments du dossier qui ont été analysés par RFF et sur les prescriptions y afférentes qui ont été édictées par le Préfet dans l’arrêté du 6 mars 2013 (suffisance de l’analyse, pertinence et suffisance des prescriptions techniques visant ces dangers). Cet avis portera sur les deux éléments suivants :
La gestion des dangers liés au chlore
Les moyens identifiés pour réduire les potentiels de dangers à la source et les moyens identifiés pour limiter les dangers auxquels sont exposés les agents travaillant sur le site de la gare de triage ainsi que les populations
Au vu des avis qu’il aura ainsi formulés, l’expert donnera un avis sur les mesures techniques nouvelles ou complémentaires, définitives ou provisoires, qui seraient éventuellement utiles à la protection de la sécurité des agents présents sur le site et à la protection des habitants exposés aux dangers de la gare. A ce titre, il se prononcera notamment sur les mesures techniques suivantes :
Des mesures de confinement de certains wagons
L’interdiction partielle ou totale de l’activité de tri de certains produits dangereux
La limitation de la durée de présence des wagons de matières dangereuses sur le site, le cas échéant en fonction des produits en cause
L’exigence du suivi de ces durées par le gestionnaire du site et la consignation des durées dans un registre tenu à la disposition de la DRIEE
L’obligation de respecter des distances d’éloignement entre les wagons de matières dangereuses incompatibles comme l’impose le principe général applicable au transport de matières dangereuses
Etudier l’incidence financière de l’exploitation du site de Drancy-Le Bourget ainsi reconfigurée et assortie de mesures importantes de limitation de l’urbanisation sur le patrimoine existant des particuliers, qu’il soit particulier ou collectif.
Dire que l’expert déposera son rapport final dans tel délai qu’il plaira à Monsieur le Président du Tribunal administratif de Montreuil de fixer. Réserver les dépens.
Le Blanc-Mesnil, le
Jean-Louis Péru Avocat à la Cour Cabinet GAIA
Productions
Production n° 1. Etude de dangers présentée par RFF Production n° 2. Analyse de l’étude de dangers par la DRIEE Production n° 3. Arrêté préfectoral du 22 avril 2013
Production n° 4. Arrêté préfectoral du 6 mars 2013
Production n° 5. Communiqué du maire du Blanc Mesnil du 25 avril 2013
Production n° 6. Lettre au Premier ministre du 10 juin 2013
Production n° 7. Pétition du 11 juin 2013
Production n° 8. Lettre au Préfet du 10 juillet 2013
Production n° 9. Lettre au Premier ministre du 11 juillet 2013
Production n° 10. Lettre du Premier ministre du 31 juillet 2013
Production n° 11. Lettre du Préfet du 2 août 2013
Production n° 12. Lettre du ministre des transports du 30 septembre 2013
Production n° 13. Lettre de saisine du CSPRT du 13 septembre 2013
Production n° 14. Lettre du ministre des transports à la députée de Seine-Saint- Denis du 28 novembre 2013